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Small Business Act et Small Business Investment Act, gare aux confusions

La SBA (Small Business Administration) jouit d'une publicité toute particulière depuis l'arrivée du gouvernement Sarkozy. C'est que le thème, faire un Small Business Act à la française, a été repris par le Président, la ministre des Finances, Christine Lagarde, Hervé Novelli, ministre des Entreprises, et se trouve même au centre d'une mission d'enquête confiée à Lionel Stoléru.

Le thème est intéressant car les Américains ont non seulement pris conscience, très tôt [1], de l'importance des petites et moyennes entreprises dans le développement économique, mais et surtout, ont institutionnalisé cette importance en créant une administration dédiée à la création et à la croissance des PME.

Les Français n'ont pas attendu 2007 pour copier ce modèle puisqu'on citait déjà la SBA en 1970 pour lancer la première société de capital-risque, Sofinnova, ou vers 1978, pour créer la Sofaris, devenue la BDPME puis l'Oséo.

En fait, l'Histoire reconnaîtra vraisemblablement que l'acte qui est à la source de la prospérité américaine n'est pas le Small Business Act de 1953 mais le Small Business Investment Act de 1958.

Le Small Business Act est fondamentalement une loi anti-ségrégation : il vise à permettre aux minorités raciales, aux femmes, aux petites entreprises, l'accès à un certain nombre d'avantages fournis par la puissance publique. Il contient en particulier une clause allouant un pourcentage des marchés publics à des PME.

Mais pour mettre en œuvre ces règles et programmes, il crée simultanément une administration fédérale, la SBA, qui compte actuellement quelque 2.000 personnes et dont le cœur de cible est l'aide financière aux petites entreprises et entreprises de minorités, comme la BDPME en France.

La disposition visant l'octroi des contrats publics à des petites entreprises, actuellement proposée par le Comité Richelieu, semble avoir eu d'excellents résultats aux USA.

Sur la SBA elle-même, le jugement peut être plus réservé. Le président Reagan voulait la supprimer pour son inefficacité. Elle a récemment (dans les années 1990) lancé un programme SBIC 2 qui s'est terminé par un fiasco avec des pertes de plusieurs milliards de dollars.

Le programme performant est le programme SBIC 1 de 1958, permettant à des organismes de financement à capitaux privés, investissant en fonds propres ou prêts à long terme dans des créations d'entreprises, d'emprunter jusqu'à trois fois leurs capitaux avec la garantie de l'Etat. Mais en cas de perte, ce sont les capitaux privés qui partent les premiers avant de faire appel à la garantie.

Plusieurs milliers de SBIC ont été créés depuis 1958 et ont offert aux porteurs de projets une grande diversité de sources de financement. D'après nos évaluations, le programme SBIC est à l'origine de 10 à 20% des créations d'entreprises aux USA avec des succès fameux comme Federal Express ou Reebok, les 80 à 90% restants étant financés par les Business Angels.

Les Subchapter S : à l'origine de 98% des créations d'entreprises américaines

Le Small Business Investment Act est la loi votée en 1958 qui crée les SBIC et les sociétés dites Subchapter S.

Les Subchapter S, comme les sociétés "normales", les "C corporations", sont des sociétés où la responsabilité de l'actionnaire est limitée au montant de ses actions mais, à la différence des C qui paient un impôt sur les bénéfices, voient leurs pertes ou profits taxés dans les mains des actionnaires, comme en France, les sociétés de personnes. En 30 ans, les Subchapter S (ou leur équivalent les LLC) sont devenues le véhicule essentiel de création d'entreprises (plus de 98%) car elles permettent de transférer les pertes courantes dans la phase de création, aux actionnaires qui peuvent déduire ces pertes de leurs revenus et faire participer l'Etat à ces pertes via la réduction de leur impôt sur le revenu.

Dès que l'entreprise devient profitable, elle change son statut fiscal de S en C ce qui lui permet alors de grossir en accumulant ses bénéfices (après paiement de l'IS).

Les chiffres du Trésor américain montrent que les rentrées d'impôts des Subchapter S sont de 3 à 4 fois supérieures aux déductions d'impôt qu'elles engendrent.

Il est finalement intéressant de constater que dans la refondation de son modèle industriel dans l'immédiat après-guerre, les Etats-Unis font coexister deux modèles : un modèle bureaucratique et centralisateur autour de la SBA, un modèle faisant appel à la multiplicité des initiatives privées et des sources de financement : SBIC, Subchapter S, Business Angels.

Même si les deux subsistent aujourd'hui, le second modèle paraît avoir triomphé car le financement de l'économie par une source unique de fonds, d'origine étatique, qu'est la SBA, n'a jamais représenté plus d'une dizaine de milliards de dollars annuellement alors que les sources multiples, engendrées par un usage intelligent du code fiscal et du crédit bancaire, approchent régulièrement la centaine de milliards. C'est peut-être la voie à rechercher pour la France.

[1] Leur prescience est d'autant plus remarquable qu'il a fallu attendre la fin des années 70 pour que les économistes, avec les travaux de David Birch, reconnaissent que l'emploi n'est pas créé par les 500 entreprises listées dans la revue Fortune mais par les PME et TPE.