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Seuils sociaux : quelles sont les obligations légales les plus dissuasives ?

L’étude « Seuils sociaux : Les obligations légales les plus dissuasives pour les entreprises » réalisée pour la Fondation iFRAP par Opinion Way, est destinée à analyser et et cibler les obligations légales liées aux passages des seuils qui freinent ou inquiètent le plus les chefs d'entreprises, notamment pour la croissance et le développement de leurs entreprises. Cette étude a été réalisée auprès d’un échantillon de 601 dirigeants d'entreprises du secteur privé. L'échantillon a été constitué selon la méthode des quotas, au regard de la taille de l'entreprise, du secteur d'activité et de la région.

Toute publication totale ou partielle doit impérativement utiliser la mention complète suivante : « Sondage OpinionWay pour la Fondation iFRAP » et aucune reprise de l’enquête ne pourra être dissociée de cet intitulé.

Ce sondage a fait l'objet d'une reprise par l'Opinion du jeudi 18 octobre 2018.

Le 9 octobre dernier, la loi Pacte a été adoptée à l’Assemblée nationale. Elle prévoit notamment sur la question des seuils sociaux de remonter les obligations légales du seuil de 20 salariés à celui de 50 salariés. Deux exceptions demeurent : les obligations légales sur l’emploi de personnes handicapées et la suppression de la déduction forfaitaire des cotisations patronales au titre des heures supplémentaires sont maintenues au seuil de 20 salariés. 

En échange de ce renforcement du seuil de 50, la loi Pacte accorde désormais 5 années pour la mise en conformité des entreprises avec les obligatoins légales du seuil (contre une mise en conformité qui se doit d'être instantanée aujourd'hui). Enfin, si au cours des 5 ans, l'entreprise repasse sous les 50, le compteur repart de zéro.

Malgré ces ajustements, le résultat du sondage nous démontre que ces deux seuils risquent de continuer de décourager des dirigeants de PME d’embaucher plus. On peut, en effet, tirer deux conclusions des réponses des chefs d'entreprises :

  • Sur les obligations liées au franchissement du seuil de 20 salariés, celles qui gênaient le plus les chefs d'entreprise sont celles que le gouvernement a choisi de maintenir ;
  • Le gouvernement a tranché pour alléger principalement le seuil de 20 tout en renforcant le seuil de 50 salariés... alors que c'est ce dernier qui bloque le plus les dirigeants d'entreprise et la création d'emplois.

Les obligations légales les plus dissuasives au seuil de 11 salariés 

Sur les obligations liées au seuil de 11 salariés, la question du versement transport n'inquiète que 7% des chefs d'entreprises. La première source d'inquiétude pour eux est la perte de l'exonération totale apprentissage (36%), suivie de près par la mise en place de délégués du personnel et de la représentation syndicale (35%). Dans le secteur de l'industrie, la perte de l'éxonération totale apprentissage et la participation à la formation professionnelle à hauteur de 1% de la masse salariale sont perçues comme dissuasives pour respectivement 51% et 58% des chefs d'entreprise.

Dans notre dernière étude, nous avions évalué l'impact des seuils de 10 et 11 salariés. Nous avions ainsi pu calculer que sur les 364.739 établissements entre 5 et 15 salariés ETP, le seuil des 10 salariés (et également celui de 11 qui lui succède) a retenu la croissance de 5,9% des établissements, soit 21.636 établissements (établissements de 7 à 10 salariés), qui emploient 263.132 salariés. Or, nous mettions en évidence que la suppression de ces seuils (de 10 et 11) aurait permis la création d'un peu moins de 40.000 emplois.

Les obligations légales les plus dissuasives au seuil de 20 salariés 

Sur les obligations liées au seuil de 20 salariés, on constate que 55% des chefs d'entreprise voient la suppression de la déduction forfaitaire des cotisations patronales au titre des heures supplémentaires comme l'obligation la plus dissuasive au recrutement d'un 20ème salarié. En deuxième position, 17% des chefs d'entreprise voient l'obligation d'embauche de personnes en situation de handicap comme dissuasive. Il s'agit des deux obligations que le gouvernement a choisi de maintenir à ce seuil. La rédaction d'un réglement intérieur (9%), la contribution à l'effort de construction (6%) et la contribution au fonds national d'aide au logement (6%) sont très minotairement perçus comme des freins. Ces obligations ont été remontées au seuil de 50. 

Concernant la suppression de la déduction forfaitaire des cotisations patronales au titre des heures supplémentaires, elle est perçue comme un puissant frein par plus de 70% des dirigeants du secteur de l'industrie (78%) et du commerce (71%).

Dans notre dernière étude, sur les 57.914 établissements entre 17 et 27 salariés ETP, nous relevions que le seuil des 20 salariés a retenu la croissance de 5,1% des établissements, soit 2.946 établissements (établissements de 17 à 19 salariés), qui emploient 55.088 salariés. Selon nos calculs, la suppression de ce seuil permettrait la création de plus de 87.000 emplois.

Les obligations légales les plus dissuasives au seuil de 50 salariés 

Sur les obligations liées au seuil de 50 salariés, on constate que l'élection d'un délégué syndical est dissuasive pour 31% des chefs d'entreprises mais que ce chiffre monte jusqu'à 54% dans le secteur de l'industrie et à 64% dans les entreprises de plus de 50 salariés. La question de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes est aussi perçue comme dissuasive pour 21% des dirigeants d'entreprise, suivi de la mise en place d'un comité d'entreprise et d'un CHSCT (16%). La prévention de la pénibilité et la participation sont des inquiétudes minoritaires, respectivement 8 et 6%... sauf dans le secteur de l'industrie où elles sont perçues comme dissuasives pour, respectivement, 25 et 30%.

Dans notre dernière étude, sur les 19.121 établissements entre 41 et 59 salariés ETP, nous relevons que le seuil des 50 salariés a retenu la croissance de 5,1% des établissements, soit 1.512 établissements (établissements entre 41 à 49 salariés), qui emploient 73.540 salariés. Selon nos calculs, la suppression du seuil de 50 permettrait la création d'environ 30.000 emplois avec le développement des établissements contraints jusqu’à 99 salariés (prochain seuil) et jusqu'à près de 75.000 emplois avec le développement des établissements contraints jusqu’à 249 salariés.

Pour conclure, il apparaît que le gouvernement aurait mieux fait de s’attaquer au seuil de 50 salariés qui est le plus décourageant pour les chefs d’entreprise. Sur les 199 seuils d'effectifs répartis en 49 niveaux pour les PME, seul le seuil de 20 a été allégé pour renforcer le seuil de 50. Selon le ministère de l'Economie, la réforme des seuils de la loi Pacte permettrait de créer 10.000 emplois sur le long terme. Pourtant la Direction du Tréosr dans sa publication Trésor-Eco n°226 "Quel effet macroéconomique de la loi PACTE ?" a été plus prudente et chiffre à pas plus de 0,05% l'effet sur le PIB des mesures sur les seuils contenues dans la loi PACTE. La Fondation iFRAP estime qu'avec la suppression des obligations légales liées aux seuils de 10, de 20 et de 50 salariés, le potentiel de création d'emplois peut monter jusqu'à 147.000 nouveaux emplois.