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Sabotages à EDF : Quand les grévistes coupent le courant !

... une raison de plus pour aller voter aux européennes

De toutes les violences qui se propagent à l'heure actuelle dans les entreprises, les coupures sauvages d'électricité (baisser un interrupteur suffit pour plonger 40.000 personnes dans le noir, hôpitaux et casernes de pompiers compris) sont encore les plus choquantes. La revendication censée justifier de telles coupures consiste à demander une augmentation des salaires de 10% : en pleine période de déflation, de crise et de chômage pour le restant de la population, cette revendication est exprimée par des agents bénéficiant de la sécurité de l'emploi. Difficile à comprendre.

Méditez cependant cette anecdote significative : récemment, un agent d'EDF a été surpris en train d'organiser le tournage d'un film dans un local d'exploitation, de surcroît dans un site classé très sensible. Dans n'importe quelle entreprise, la mise à pied suivie d'un licenciement pour faute lourde aurait été immédiate. Pas chez EDF : l'agent s'est vu gracieusement proposer… une simple mutation !

C'est ce qu'on appelle chez EDF la « culture d'entreprise ». EDF est le plus fort bastion de la CGT qui y est totalement convaincue de son impunité. Dans ce service public, la sanction n'a jamais existé. En privé, on entend dire dans les milieux proches de la direction qu'EDF a été totalement prise de court par les récents sabotages et ne sait comment répliquer. L'Etat vient de le faire pour elle, en rappelant (mollement) que ces sabotages ne peuvent pas être considérés comme des faits de grève. On s'en serait douté. Mais toute réaction forte semble pour le moment exclue, tant les risques paraissent élevés à la direction (pensons notamment aux centrales nucléaires !). Rappelons-nous pareillement, à propos de la SNCF, les événements de la gare Saint-Lazare qui n'ont donné lieu à aucune suite malgré l'exercice illégal du droit de retrait et les abus du droit de grève.

Evidemment la CGT, très soucieuse de son image auprès du public, sait fort bien que plonger les clients – pardon, les « usagers » - dans le noir n'est pas précisément favorable à cette image. Qu'à cela ne tienne, le syndicat a annoncé qu'il disposait de toute une panoplie d'actions non dérangeantes pour les usagers, en passant par la distribution gratuite de l'électricité. Ce qui constitue toujours des sabotages. Le fait qu'une telle annonce puisse être faite le plus tranquillement du monde dans les médias (imaginerait-on les employés de Caterpillar clamer qu'ils vont distribuer gratuitement les tracteurs de la marque ?) en dit long sur la « culture d'entreprise » régnant à EDF.

Les Français (sans parler évidemment des étrangers) imaginent mal ce que signifie cette culture, et le chemin qui devra être parcouru dans les services publics pour parvenir à imposer des normes semblables à celles qui régissent les entreprises ordinaires. Le non-paiement des jours de grève y est déjà considéré comme une remarquable victoire obtenue après des années de lutte. C'est un travail de Sisyphe qui reste encore à faire, car il faut bien dire que la révolution en marche n'est pas non plus mince. Il faut apprendre aux personnels d'EDF, GDF la SNCF ou La Poste ce qu'est une entreprise placée dans un cadre concurrentiel, et dont on doit tenir le budget là où traditionnellement les considérations économiques étaient inconnues. On comprend quel peut être le désarroi de ces personnels, et il faut s'attendre à de longs et nombreux conflits.

Mais il est indispensable de ne pas relâcher l'effort pour changer les mentalités, et de raisonner sur le long terme. Le Gouvernement, comme les entreprises concernées, est contraint d'avancer beaucoup plus prudemment que la grande majorité des Français ne le souhaiterait, mais la manière forte, que certains de nos lecteurs et internautes préconisent, ne serait actuellement qu'une facilité destructrice du tissu social et de l'économie.

Il n'y aurait surtout rien de pire que la réaction de mauvaise humeur, notamment à l'occasion des élections européennes, d'une population excédée. C'est à l'Europe que nous devons de devoir faire bouger la France, et précisément la conception des services publics est un domaine où la tradition française et les règles communautaires sont les plus opposées. (lire « la concurrence dans les services publics »).

Raison de plus pour voter les 6 et 7 juin prochains aux européennes, en se rappelant qu'à l'heure actuelle, la France a envoyé au Parlement européen une majorité de représentants de gauche, lesquels sont opposés à toute évolution de la tradition française en question.