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Rôle des syndicats - Vers un tournant dans l'action syndicale ?

François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, était sur la sellette à France Inter mercredi matin. Il tentait de justifier que, depuis la rentrée, son syndicat avait pour objectif, non plus de faire descendre les Français dans la rue sur des mots d'ordre généraux mais improductifs – prenant ainsi la mesure des échecs relatifs des démonstrations de la fin du printemps - mais de se battre au niveau de chaque entreprise afin d'obtenir des résultats concrets pour les salariés. Il semblait même impliquer la CGT dans cette nouvelle démarche.

C'est probablement un tournant plus significatif qu'il n'y paraît. Aussi bien les journalistes que les auditeurs sélectionnés, n'avaient de cesse au cours de l'émission d'essayer de ramener le débat sur le terrain de la lutte des classes. Un auditeur exprimait par exemple son désaccord sur le terme officiel de « partenaires sociaux » en disant qu'il vaudrait mieux parler d'« adversaires sociaux » : le leader syndical répondait sobrement que dans tous les pays européens les intervenants patronaux et syndicaux étaient bien des « partenaires ». Par ailleurs le leader était aussi contraint de se défendre de l'accusation, adressée aussi bien à la CGT de Bernard Thibaut qu'à la CFDT, de « cogérer » la crise avec le gouvernement. Le sous-entendu de cette accusation était que les syndicats n'ont pas à monter dans le même bateau que les responsables d'une crise à laquelle ils sont étrangers...

François Chérèque ne résume pas à lui seul le syndicalisme, mais il est bon que plusieurs organisations se rendent compte que leur action ne consiste pas à faire défiler les Français pour annoncer le Grand Soir qui verra la fin du capitalisme, mais à œuvrer dans le cadre du système existant, fût-il générateur de crises, pour défendre dans chaque entreprise les intérêts des salariés en face de ceux du patronat (c'est aussi une façon bien vue de se démarquer du NPA d'Olivier Besancenot).
Et il est aussi bon qu'ils tentent d'en persuader des journalistes manifestement surpris.

François Chérèque a aussi raison de faire allusion à la pratique des autres pays. C'est particulièrement le cas en Allemagne où les syndicats sont forts, essentiellement pour la raison qu'ils obtiennent des résultats concrets dans les entreprises à la différence des syndicats français trop souvent engagés dans une politisation stérile surtout dirigée vers la défense d'une certaine vision figée et théorique des services publics. Il n'est pas sans signification à ce sujet que, toujours au cours de la même émission, le leader de la CFDT ait rappelé son hostilité à la « votation » concernant l'avenir de La Poste, en affirmant à juste titre que son rôle n'est pas de débattre du problème politique du changement de statut et d'une éventuelle privatisation.

Les syndicats ont pour raison d'être de canaliser les revendications des salariés. Ils ont été efficaces pour mettre fin à des conflits dans les entreprises, notamment en obtenant des indemnités substantielles de licenciement. C'est dans ce rôle et non dans des contestations politiques qu'ils parviendront à la représentativité qui devrait être la leur.