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Renault : la vérité sur les délocalisations

Un lecteur réagit à notre précédent billet concernant Renault en s'insurgeant contre le silence gardé sur les « délocalisations [de] ses productions sur les pays de l'Est », ainsi que sur l'arrivée en France de la Logan, fabriquée par Dacia en Roumanie, et censée « être réservée » au marché de ces pays.

Une étude de l'INSEE réalisée en 2006 permet de mesurer la réalité du phénomène et de ses implications sur l'emploi. D'une façon générale, sur la période 1995-2001, les délocalisations auraient touché un nombre limité d'emplois dans l'industrie française. En moyenne, 13 500 emplois auraient été délocalisés chaque année, soit 0,35 % de l'emploi industriel ou encore environ un emploi sur 300.

À titre de comparaison, les suppressions d'emplois brutes annuelles dans l'industrie sont de l'ordre de 500 000. Sur l'ensemble de la période 1995-2001, on estime que les délocalisations ont concerné au total à 2,4 % des effectifs de l'industrie hors énergie, c'est-à-dire environ 3,9 millions de salariés. L'INSEE considère d'ailleurs, pour diverses raisons qu'il serait trop long d'exposer ici, que si on ne considère que les cas de délocalisation « dans les groupes qui réduisent effectivement leurs effectifs sur l'ensemble du territoire français dans une branche donnée, le nombre d'emplois délocalisés annuellement serait inférieur à 10 000 ».

Par ailleurs, les pays à bas salaires (comme la Roumanie) représenteraient un peu moins de la moitié des destinations de délocalisation. En ce qui concerne plus particulièrement l'industrie automobile, aucun cas de délocalisation n'est signalé vers ces pays, la destination première ayant été l'Espagne.

Venons-en maintenant au cas de Renault. Selon l'INSEE on parle de délocalisation « s'il y a substitution de production étrangère à une production française, résultant de l'arbitrage d'un producteur qui renonce à produire en France pour produire ou sous-traiter à l'étranger ». Or cette définition ne saurait englober l'investissement, réalisé en 1999, de Renault dans la firme roumaine Dacia, premier producteur roumain de l'époque. Cet investissement a pour objet d'augmenter les parts de marché de Renault et non de remplacer une production française existante. La Logan n'aurait en outre jamais pu être produite en France.

Enfin, comme l'INSEE le fait remarquer, les délocalisations hors de France ne sont que la face négative d'un phénomène qui présente aussi une face positive, à savoir les délocalisations vers la France. Or la France est une des destinations les plus prisées des investissements étrangers. Difficile de fustiger les investissements de Renault en Roumanie ou ailleurs sans évoquer la présence en France des usines Ford ou Toyota par exemple, et de l'emploi qu'elles créent, même si celui-ci subit actuellement la crise qui touche particulièrement le secteur automobile dans les pays développés.

Tant mieux si ce sont des voitures fabriquées même à l'étranger par le groupe Renault qui se vendent en France : c'est préférable à une invasion de voitures « low cost » fabriquées par exemple par des producteurs coréens. Au moins l'entreprise française peut engranger les bénéfices de ses investissements étrangers, ce qui est clairement le cas pour Nissan. Sinon il faudrait fermer complètement les marchés nationaux, et bien entendu Renault ne vendrait plus de voitures de sa marque en dehors de France. Mais qui ose encore parler de protectionnisme total ?