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Réforme - La suppression de la taxe professionnelle profitera-t-elle aux entreprises ?

Le projet de remplacement de la taxe professionnelle va, a priori, dans le bon sens pour rendre plus compétitives les entreprises françaises. Pourrait-on blâmer sur le fond le gouvernement de vouloir alléger le poids fiscal qui pèse sur nos entreprises ?
Poids fiscal qui renforce une situation commerciale dégradée ; selon le dernier rapport du Conseil des Prélèvements Obligatoires (CPO) présenté récemment par Philippe Séguin : « le solde commercial s'est dégradé continûment depuis 2005, non parce que la France importe davantage, mais parce qu'elle exporte moins. Elle a par ailleurs perdu des parts de marché relatives au commerce mondial. Sa compétitivité-coût est également en recul, ce qui signifie que le coût de ses produits a crû plus vite que ses concurrents, en particulier l'Allemagne. »
Bref, il y a urgence à redonner du souffle à nos entreprises et particulièrement dans les secteurs exposés à la concurrence internationale. Conscient de cette urgence, le gouvernement s'est engagé à ce que la taxe professionnelle sur les investissements productifs soit « supprimée » dès le 1er janvier 2010.

Due chaque année par près de 2,9 millions de personnes physiques ou morales qui exercent en France une activité professionnelle non salariée, la TP fait coexister plusieurs bases d'imposition : valeur locative des biens immobiliers [1], valeur locative des équipements et biens mobiliers (EBM) et une fraction de recettes pour les professions libérales. En outre, une cotisation minimale a été instaurée pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 7,6 millions d'euros égale à 1,5 % de la valeur ajoutée.

Le projet de loi de Finances pour 2010 présente les modalités de la réforme et son ambition de : « restaurer la capacité de nos entreprises à investir, embaucher et à conquérir de nouveaux marchés, pour que notre économie puisse renouer avec une croissance forte et riche en emplois » clairement affichée. Mais les collectivités locales ne voient pas d'un bon œil se profiler des budgets amoindris et s'expriment haut et fort contre la réforme de la taxe professionnelle ces dernières semaines. L'iFRAP a cherché à chiffrer quelle serait réellement l'économie pour les entreprises françaises à partir de 2011 puisque 2010 sera une année de transition.

En 2008, la TP a coûté, avant exonérations, 25,6 milliards aux entreprises. Le rapport du CPO (Conseil des prélèvements obligatoires) décortique le décompte : « En 2008, sur les 30 milliards de cotisations versées aux collectivités, 3 % sont désormais à la charge des collectivités, l'Etat en finance 38,5 %, le reste étant à la charge des entreprises. Ainsi, les seuls dégrèvements pris en charge par l'Etat en matière de TP s'élèvent à 11,6 milliards d'euros ». En clair, les entreprises ont eu vraiment à leur charge, après exonérations, 58,5 % de la TP acquittée, soit 17,5 milliards, les entreprises ayant été exonérées au total à hauteur de 8,1 milliards.

La taxe professionnelle sera remplacée par deux nouveaux impôts locaux

Le CET « Cotisation Economique Territoriale » composée de deux volets :
-CLA (Cotisation locale d'activité) dont l'assiette ne comprendrait que les valeurs foncières et dont la recette est estimée par Bercy et l'Association des Maires de France à environ 5,5 milliards d'euros
-CC (cotisation complémentaire) assise sur la valeur ajoutée dont la recette est estimée à 11,4 milliards d'euros.

L'IFER, « Imposition Forfaitaire sur les Entreprises de Réseaux » qui vise à limiter les gains des grandes entreprises de réseaux non délocalisables (télécoms, énergie, ferroviaire) dont la recette est évaluée à 1,4 milliard.

Pour plus de détails consulter le document du PLF 2010 sur le site du ministère du Budget.

Pour 2010, le « gain » pour les entreprises est évalué par le ministère du Budget à 11,7 milliards d'euros du fait du reliquat de remboursement des dégrèvements dus au titre de 2009 mais se situerait vraisemblablement autour de 4,3 milliards en régime de croisière, soit dès 2011 puisque, selon Bercy : « Au total, la réforme proposée se traduirait, en régime de croisière, par une réduction d'impôt d'environ 5,8 milliards d'euros par an pour les entreprises (4,3 milliards compte tenu des surplus d'impôts sur les sociétés engendrés), soit 23 % de la charge de la taxe professionnelle ».

L'estimation publiée par Bercy de ce que devraient payer les entreprises dès 2011 avec les deux nouveaux impôts est d'environ 18,3 milliards ( 1,4 milliard d'IFER et 16,9 milliards de CET (CC : 11,4 milliards + CLA : 5,5 milliards) ), l'économie réalisée pour les entreprises est effectivement de 5,8 milliards par rapport aux 25,6 milliards d'euros de TP payés en 2008 par les entreprises. Mais quid par rapport aux 17,5 milliards réellement acquittés après exonérations par les entreprises en 2008 ?

Si les exonérations de TP existantes ne sont pas maintenues sur les nouvelles taxes, les entreprises pourraient payer en 2011 plus de taxes en remplacement de la TP qu'ils ne payaient de TP en 2008. La discussion budgétaire dira quelle sera approximativement la note à payer mais le « gain » réel pour les entreprises risque fort d'être réduit à sa plus simple expression. Cependant, dès à présent, il est possible de repérer parmi les entreprises les gagnants et les perdants : côté gagnants, les entreprises à très grande proportion d'investissements ; en clair les industriels. Côté perdants, les entreprises de services qui emploient actuellement près de 70% des actifs, malgré les dispositifs de correction envisagés [2].

Le gagnant final pourrait être l'Etat qui passerait d'un montant de 11,6 milliards de dégrèvement en 2008 à 7,8 milliards de ressources transférées aux collectivités en 2011, soit un « gain », en régime de croisière, de 3,8 milliards. Mais le débat budgétaire au Parlement ne fait que commencer et pourrait apporter son lot de surprises. Par exemple le législateur pourrait, pour baisser les taux, suivre la recommandation de l'iFRAP d'élargir l'assiette en assujettissant aux nouvelles taxes certains organismes de l'économie parapublique relevant des exonérations prévues par l'article 1449 et de l'article 1461 du CGI qui ne sont pas délocalisables, notamment le secteur coopératif. Cela permettrait d'équilibrer le nouvel assujettissement des activités de locations et de sous-locations nues d'immeubles à la cotisation complémentaire.

[1] Passibles d'une taxe foncière (VLF)

[2] Leur situation sera d'ailleurs encore alourdie par une disposition retirée de l'avant-projet mais réintroduite par l'amendement à l'article 2 de la commission des finances modifiant le régime de la future CET, qui vise à imposer une consolidation au niveau des groupes du chiffre d'affaires déterminant le barème de la CC, en empêchant les groupes de « filialiser » leurs activités afin d'amoindrir leur assiette fiscale.