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RATP, SNCF : même combat ?

Fin mars, alors que la SNCF se lançait dans un véritable marathon de la grève, quelques syndicats de la RATP ont appelé à manifester aux côtés de la SNCF, par solidarité, y ajoutant des inquiétudes sur les effectifs, les salaires et une éventuelle privatisation. Les syndicats franciliens invoquent le « statut des EPIC » et l’éventualité que le changement de statut permette une privatisation des grandes entreprises nationales… sauf qu’il n’a jamais été question pour l’exécutif de privatiser la SNCF, ni la RATP. Rappelons que la grève « de solidarité » est considérée en France comme illégale.          

Etat des lieux

Aujourd’hui, si la soutenabilité de la SNCF pose de plus en plus question, le gouvernement n’a pas de raison urgente de s’attaquer à la RATP :

  • Le résultat opérationnel de 2017 est en hausse de près de 20%, à 448 millions d’euros ;
  • La dette de l’entreprise publique est contenue à 5,5 milliards d’euros (comparée à celle de la SNCF qui culmine à 47 milliards d’euros).

Voilà pour les bons chiffres… mais si certains agents de la RATP se sentent solidaires de la grève SNCF, c’est certainement parce qu'ils craignent de perdre, à terme, leurs régimes spéciaux. En effet, ces régimes sont -comme pour ceux des agents de la SNCF- désormais difficilement justifiables.

Concernant le temps de travail, il est aligné avec celui du droit commun : 28 jours de congés payés et 17/18 jours de RTT soit 45 jours selon le livret CGT (voir tableau ci-dessous).

Source : Livret d’accueil UGICT, CGT-RATP    

Toutefois, les avantages des agents RATP demeurent considérables en matière d’assurance maladie, de comité d’entreprise (aujourd’hui sur la base de 2,811% de la masse salariale), et surtout… s’agissant du régime des retraites. 

Les règles sont particulièrement généreuses sur l'âge d'ouverture des droits : depuis 2008, l’âge de liquidation est relevé respectivement de 55 à 57 ans et de 50 à 52 ans à partir de 2024 pour les agents roulants. Pour les autres agents dits « sédentaires », l’âge d’ouverture des droits passe à terme de 60 à 62 ans. Pour la formule de liquidation, les agents RATP bénéficient d’une pension égale à 75% de la rémunération des 6 derniers mois au prorata de la durée d’assurance requise. Par ailleurs, la réforme entreprise en 2008 a conduit, par mesure de compensation, à rehausser les traitements de fin de carrière… Résultat : les retraites versées en fonction du salaire des 6 derniers mois sont encore plus élevées qu'auparavant, annulant les effets de la réforme.

Par rapport au secteur privé non-cadre, les taux de cotisation sont plus élevés sur la part employeur et sur la part salariale pour la RATP, respectivement +1,45% et +2,67%. Cependant, cette différence de taux n’est pas suffisante pour financer les retraites puisqu’une subvention d’équilibre est versée par l’Etat de 709 millions d’euros par an (chiffres PLF 2018) qui fait ressortir une subvention de 14.551 euros par retraité de la Régie, encore plus qu’à la SNCF et ce, malgré des cotisations plus élevées et un ratio démographique plus favorable ! Quoiqu’il en soit, l’entreprise francilienne ne peut se permettre d’augmenter indéfiniment ses cotisations. Il va donc falloir réformer son régime de retraite, sans pour autant alourdir ses charges.            

La solution à appliquer sera la mise en extinction du régime spécial, comme cela a été fait à La Poste et ce qui est proposé actuellement pour la SNCF. Les nouveaux entrants seront sûrement à terme embauchés sous contrat équivalent à celui des salariés du secteur privé. Les agents ayant déjà acquis des droits dans le régime spécial de retraite entraîneront forcément un surcoût pour la protection sociale, qu’il conviendra alors à l’État de financer.

Faut-il réformer la RATP aujourd'hui ?   

Tout comme la SNCF, la RATP va devoir se mesurer à la compétition internationale. Notons que, comme pour la SNCF, la RATP, par l’intermédiaire de sa filiale RATP Dev, est candidate à des appels d’offres à l’étranger (Riyad, Rio, mais aussi Doha au Qatar…) ; elle a donc déjà un pied dans la concurrence. Comme Bruxelles le préconise, l’entreprise va devoir changer à terme de forme juridique, étant donné que le statut d’Epic est susceptible de fausser la concurrence. Mais l'ouverture à la concurrence du réseau RATP est prévue d’ici à 2024 (pour les lignes de bus) et 2039 (pour le métro). Ces délais sont une opportunité pour la RATP, qui pourra, si elle s'adapte, poursuivre son développement à l'étranger et se préparer progressivement aux futurs appels d'offres, avec de réels atouts.

Déjà la région, a voté la mise en concurrence de la future ligne de tramway T9 et de trois réseaux de bus en grande couronne. Mais ce qui sera un enjeu encore plus important ce sont les deux grands chantiers que connaitra la région capitale : le Grand Paris Express et le CDG Express. Déjà Kéolis (filiale de la SNCF) et Transdev (filiale de a Caisse des Dépôts) ont annoncé leur intérêt pour ces appels d'offres.