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Rapport IGAS sur le Mediator : l'administration était avertie

Dans la crise du Mediator, il est tout à fait possible que le laboratoire Servier soit responsable, voire coupable, mais ce que le rapport de l'IGAS montre avec certitude, ce sont les erreurs de l'administration publique, voire ses fautes. Cet aspect ne doit pas être oublié.

Le rapport de l'Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) affirme que l'administration publique, et notamment l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (l'AFSAPS), a été « anesthésiée » ou « roulée dans la farine », par son fabricant si l'on comprend bien. Comme excuse, c'est court, d'autant plus que des alertes avaient été lancées par des spécialistes reconnus comme le Professeur Philippe Even en 2004 dans son livre : « Savoirs et Pouvoir, pour une nouvelle politique du médicament » publié au Cherche midi avec Bernard Debré.

Savoirs et pouvoirs, Pr P. Even et Pr B. Debré

La table des matières du chapitre intitulé « L'Etat et les médicaments » était tout à fait éloquente :

Les défaillances de l'Etat français

- Un appareil de contrôle désarticulé, aveugle et opaque
- Commissions ministérielles
- Le manque d'indépendance des experts et des membres des commissions
- La Commission française d'autorisation des médicaments
- Le grand œuvre de la commission de transparence. SMR et ASMR : tous les médicaments sont excellents
- L'absence de politique du médicament

Un aspect particulièrement troublant dans cette affaire est l'absence de réaction de l'Etat quand ce médicament a été interdit à l'étranger. On est habitué à une certaine préférence nationale dans le choix des voitures des ministères, des centrales nucléaires ou des avions de chasse, mais est-ce tolérable quand il s'agit de médicaments ?

Cette nouvelle bavure de l'Etat confirme qu'il est urgent de recentrer son action sur les sujets essentiels comme celui de l'approbation des médicaments, au lieu de le faire se disperser tous azimuts.

Sur ce sujet, lire aussi notre note : Déremboursement des médicaments, la transparence en question, publiée par l'iFRAP sur ce sujet en décembre 2005.

Il est impossible de croire que la n-ième réforme de l'AFSAPS garantira son bon fonctionnement. Dans ces domaines pointus, les experts français sont peu nombreux et il est inévitable qu'ils aient été ou soient à l'avenir liés à l'industrie pharmaceutique. Il est indispensable que cet organisme, et à travers lui le ministère, soit tenu de se prononcer publiquement sur la validité d'un médicament chaque fois qu'il est éliminé dans un des pays réputés les plus compétents de l'OCDE (Etats-Unis, Suède, Suisse, Allemagne, Royaume-Uni, Danemark par exemple). Cela réduira les conflits d'intérêts.

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Enquête sur le Mediator, IGAS, janvier 2011