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Que connaissent les prix Nobel d'économie ?

Paul Krugman a reçu le prix Nobel d'économie 2008. Nous pourrions penser que cette distinction porte en soi la garantie que celui qui la reçoit est bien informé ; non pas dans un domaine ésotérique, loin de sa spécialité, mais dans son domaine, l'économie.
L'éditorial publié lundi dans le New York Times « learning from Europe » est en soi une leçon sur la façon dont un prix Nobel peut être loin des réalités et voir un monde comme il voudrait le voir pour défendre ses positions idéologiques et non pour un débat sérieux.

Dans cet éditorial, Krugman s'insurge contre les Américains, notamment les Républicains (Krugman est un fervent Démocrate dont le New York Times est, usuellement, l'un des défenseurs les plus fervents) qui critiquent le plan santé Obama, maintenant en discussions avancées devant le Parlement et qui pourrait être adopté, avant la fin janvier, sur le fil du rasoir, à une voix près au Sénat, avec un vote totalement partisan (aucun Républicain n'a voté pour).

Krugman explique que l'argument, « une économie stagnante où des impôts élevés et des avantages sociaux généreux ont affaibli les initiatives, paralysant le développement et l'innovation » est complètement faux et que la réelle leçon venant d'Europe est que l'Europe est un succès économique et que ce succès montre que l'économie sociale marche. La preuve ? « Pour les Américains qui ont visité Paris : apparaît-il misérable et retardé ? Et Frankfort ou Londres ?(…) Quand la question est qui croire, vous devriez toujours croire vos yeux, pas les statistiques économiques ».
Ce qui est ahurissant de la part d'un économiste de cette importance, c'est d'utiliser un tel argument alors qu'il sait parfaitement que les Américains en tourisme ou en affaire à Paris resteront dans le centre de Paris, peut-être rue de la Paix, et n'iront presque certainement pas se promener dans le 93 et les communes avoisinantes. Certes Krugman reconnaît quelques lignes plus loin que la croissance américaine et la croissance de l'emploi ont été plus rapides qu'en Europe et le chômage généralement plus faible. Il va même jusqu'à expliquer que 83% des Français entre 25 et 54 ans étaient employés en 2008 ce qui place la France parmi les pays d'Europe les plus performants. Ceci laisse sous-entendre qu'une économie aussi socialisée que l'économie française peut rester très performante.

Mais puisqu'il va dans ce détail, il ne peut pas ignorer (rapport de l'OCDE sur l'état de la France) que le chômage se situe en France dans les deux tranches d'âge de 18 à 25 et au-delà de 55 où il est deux fois plus élevé que dans le reste de l'Europe ; et que ce sont ces deux tranches qui expliquent un taux de chômage qui a toujours été supérieur à 8% depuis 1985 alors que les USA, comme de nombreux pays européens ( Grande-Bretagne, Allemagne, etc.) ont connu généralement le plein emploi.

L'usage sélectif de statistiques pour défendre une thèse en sachant qu'elles sont contredites par le tableau d'ensemble, devient de la propagande, celle à laquelle nous avaient habitués les dictateurs. Cet acte est d'autant plus outrancier que le public américain est incapable de s'apercevoir qu'on lui fait prendre des vessies pour des lanternes.

On est effaré de trouver une telle désinformation dans le New York Times, le quotidien de référence dans tout l'est des Etats-Unis, dont les articles sont même repris depuis peu par Le Figaro.

Et puisque Krugman a pris Paris comme référence, permettons-nous de lui rappeler que les Etats-Unis ont créé hors crise 300.000 emplois marchands de plus par mois, ce qui a permis de garder le plein emploi tandis que la population passait de 200 millions à 300 millions, que la Grande-Bretagne, assez proche des Etats-Unis pour son libéralisme économique en créait 300.000 par an, et que la France en a créé proche de zéro en trente ans. Une paille dans sa démonstration.

Et espérons que le comité Nobel qui attribue les prix d'économie saura à l'avenir discerner ceux qui utilisent les statistiques à des fins idéologiques et ceux vraiment épris de recherche de la vérité.