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Prix du pétrole : Total et les goinfres

Qui se partage les prétendus "superprofits" ?

Dans le contexte actuel d'augmentation des prix du pétrole, nos vedettes politiques se lancent à l'assaut des « super profits » de notre champion national. Pour l'un, Total et ses actionnaires se « goinfrent », pour l'autre les bénéfices de Total ne sont qu'un « bien collectif » (s'il fallait nationaliser, la capitalisation boursière de Total étant actuellement de 130 milliards d'euros, le tiers du budget de l'Etat y passerait). Pour un troisième ce ne sont pas les bénéfices qui sont contestables, mais leur utilisation et Total n'investit pas…

Voici quelques chiffres-clés du Groupe Total (en milliards d'euros) :
Années 2007 2006 2005
Investissements 11,7 11,8 11,1
Activité Hydrocarbures :
Secteur Amont (production)
Résultat opérationnel 20,8 21,5 19
Impôts correspondants -12 -12,7 -11
Résultat opérationnel net 8,8 8,8 8
Part de la France (production) 0,13%
Secteur Aval (raffinage et vente)
Résultat opérationnel 5,1 3,7 5,5
Impôts correspondants -1,5 -1,1 -1,6
Résultat opérationnel net 3,6 2,6 3,9
Part de la France (ventes) 22%
Dividendes de l'exercice 5 4,5 3,9
Part des Investisseurs :
Institutionnels dans le capital 88%
Part des actionnaires français 31%
sources : documents Total.

Ces chiffres appellent évidemment quelques commentaires :

- 1. Où sont les prétendus super profits dont disposerait Total du fait de l'explosion récente des prix du brut ? Depuis trois ans les résultats n'ont pas significativement évolué, et les résultats du secteur aval (raffinage et ventes) qui touchent tant les Français ont même baissé.

- 2. Les investissements sont quand même du même niveau que les résultats nets, et plus du double des dividendes distribués.

- 3. Qui donc se goinfre ? A tout seigneur tout honneur, les prélèvements fiscaux mondiaux atteignent environ 50% du résultat opérationnel, soit 13,5 milliards d'euros en 2007, (l'équivalent d'une bonne moitié du rendement total de la TIPP). Les actionnaires sont, à côté, de modestes goinfres à qui 30% du résultat net global (5 milliards) sont distribués en 2007. Et qui sont ces actionnaires ? Ce sont à 88% les fameux « zinzins », c'est-à-dire en France les banques et compagnies d'assurance pour leurs réserves obligatoires, les caisses de retraite pour assurer le paiement des retraites que nous réserve notre aussi fameux régime de répartition, ou enfin la Caisse des Dépôts, notre valeureux champion étatique. L'eau parvient toujours à faire tourner les moulins de l'intérêt général ! Les actionnaires individuels (mais il y a plus de 2,4 millions d'actionnaires de Total) se partagent les 12% restants, soit 0,6 milliard, soit encore 250 € en moyenne par actionnaire, pas vraiment de quoi se goinfrer.

- 4. Le chiffre d'affaires français (hors groupe) se monte à 38 milliards d'euros soit 24% d'un total de 159 milliards en 2007. Surtout, 75% du résultat opérationnel est dû à l'activité amont (production), dans laquelle la part française est quasiment nulle (0,13%). Le résultat du secteur aval, dans lequel la part française des ventes est de 22%, ne dépasse pas 5,1 milliards. A supposer que la proportion des profits soit la même que celle des ventes, la part du résultat d'origine française se monterait à 1,1 milliard €, dont il faut encore déduire l'imposition (30%).

Il n'y a plus guère de matière imposable, ni de motifs, pour faire place aux insatiables appétits gloutons de l'Etat français.