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Parachute doré du privé contre matelas douillet des fonctionnaires

Le montant des parachutes dorés garantis à certains dirigeants d'entreprises scandalise les Français. Pour les salariés licenciés comme pour les actionnaires ruinés, ces millions € sont particulièrement choquants. Et si on parlait des fonctionnaires ?

Démarché par un cabinet de recrutement, le dirigeant d'entreprise qui accepte de démissionner de son poste prestigieux exige des garanties. Pour couvrir le risque de "se retrouver à la rue" si l'entreprise qui l'embauche changeait soudain d'avis, l'intéressé demande à être protégé. L'expérience montre que ce risque est réel. A ces niveaux, les exigences sont fortes et les ego aussi. Des successions qui semblent très bien planifiées donnent régulièrement lieu à de brutales ruptures. Pour les salariés du secteur privé, ces parachutes sont de classiques contrats d'assurance. Les montants, en millions € parfois, peuvent sembler faramineux, ou même être vraiment excessifs, il s'agit pourtant de contrats librement négociés.

Statut de la Fonction Publique

"Le fonctionnaire mis en disponibilité sur sa demande dispose en principe d'un droit à réintégration."

Transposons le même cas dans le secteur public : un haut fonctionnaire est convoité suite à la recommandation d'un chasseur de tête. L'intéressé est tenté par ce nouveau poste intéressant et bien payé. Il voudrait bien sauter le pas ; mais pour couvrir le risque de "se retrouver à la rue" si l'entreprise changeait soudain d'avis, il veut des garanties. Jusque là, les deux histoires, la privée et la publique, sont identiques. Elles divergent à ce point précis. Pour le fonctionnaire, ce n'est pas l'entreprise prenante qui souscrit le contrat d'assurance, mais nous tous, les contribuables. L'Etat le met gentiment en disponibilité, avec la garantie de le reprendre si son nouveau poste ne lui plaît pas ou s'il ne convient pas à son nouvel employeur.

Deux cas typiques

- En 2003, le Directeur Général des Impôts, premier personnage du Ministère des Finances, ardent apôtre de la réforme auprès des fonctionnaires de son ministère pendant des années, est parti "en disponibilité" dans le privé. Pourquoi n'a-t-il pas démissionné ? Une profonde aversion pour le risque ou un manque de confiance en soi ?
- En 2007, après 20 ans passés dans l'Administration puis 7 mois seulement comme Directeur adjoint au Crédit Agricole, ce haut fonctionnaire retourne dans l'administration comme Directeur Général de la Caisse des Dépôts et Consignations.

On a peine à croire qu'un tel système puisse exister, où c'est l'organisme qui va perdre son salarié qui lui offre un matelas douillet où se poser en cas d'échec. Dans les entreprises privées, ce genre "d'aide à la mobilité" est réservée aux salariés que l'employeur souhaite encourager à partir pour des questions de compétence ou de surnombre. Le coût de cette garantie n'est pas négligeable pour l'Etat. Un haut fonctionnaire qui rentre au bercail à 35 ans par exemple sera à la charge de l'Etat pendant 50 ans (30 en activité, 20 en retraite) pour un coût d'une dizaine de millions €. Un montant comparable aux parachutes dorés. Les fonctionnaires qui veulent tenter leur chance dans le secteur privé devraient être tenus de démissionner de la fonction publique. Pour les hauts fonctionnaires, le décider eux-mêmes dès à présent serait une preuve de dignité.