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Niches fiscales et gros patrimoines, l'Empire de la poudre aux yeux !

Frapper les gros patrimoines au nom de la justice fiscale et de l'égalité devant les charges publiques peut paraître une idée séduisante. En réalité les "pures défiscalisations" sont rares au sein des niches fiscales, surtout lorsque les niches non plafonnées dont il s'agit ne sont pas évaluées à leur véritable coût !

« Qui veut aller loin, ménage sa monture ! » c'est en substance ce que l'Etat devrait adopter comme démarche s'agissant des niches fiscales et singulièrement des niches IR. Et à vrai dire, la partie est mal engagée : En effet, au lieu de chiffrer le coût réel des niches fiscales, c'est-à-dire déduction faite des effets bénéfiques composés lorsqu'il s'agit de niches favorisant l'investissement (appelées niches verticales), mais aussi sur certaines niches horizontales (dites passives), lorsqu'il s'agit de redonner directement du pouvoir d'achat, donc stimulant la consommation pour les revenus modestes, en matière de récupération de taxes : TVA, taxes sur les salaires, cotisations sociales etc… les pouvoirs publics s'attachent à plafonner les niches sur l'impôt sur le revenu qui ne le sont pas encore.

Il faut dire que symboliquement l'enjeu est de taille : certains patrimoines arriveraient, au moyen de montages complexes, à éluder l'impôt, voire à détenir une créance sur le Trésor. Encore aurait-il fallu évidemment savoir si la stimulation économique occasionnée par l'usage déplafonné de ces niches, ne favorisait pas l'activité économique locale (on pense aux DOM-TOM en matière d'investissement productif et locatif), ou certains corps de métiers rarement sollicités autrement (que l'on pense aux artisans chargés de la restauration de bâtiments historiques ou éligibles à la loi Malraux).

Mais outre le fait que ces études d'impact sont inexistantes, les parlementaires ont décidé de faire rendre gorge à la fraction de la population dont le patrimoine est par définition le plus mobile, à savoir les plus hauts revenus de France. Le calcul se révèle finalement un peu court et ce, pour deux raisons au moins :
- d'une part, les 100 000 plus hauts foyers fiscaux paient au total pour près de 9,665 milliards € d'IR, alors qu'ils parviennent à éluder pour 1,52 milliard €, soit 15,7% de leur impôt actuel, mais 13,58% de leur imposition théorique non déduite (11,118 milliards).
- d'autre part, lorsque parmi ces 100 000 contribuables, 1 392 parviennent grâce à leurs investissements dans les niches non plafonnées à annuler leur impôt, voire à devenir créanciers du Trésor, ils n'y parviennent qu'à concurrence de 478 848 € au total ! Soit rapporté à l'IR payé par l'ensemble de leur tranche de revenu, obtenir restitution de 0,0049% du total. Et l'effet masse se produit car les 12 contribuables parmi les 1000 plus fortunés ne payant pas d'impôt, ne parviennent à se voir restituer que 2076 € ! Soit un chèque potentiel de 173 € par foyer ! La masse des créances sur le Trésor se localise en réalité proportionnellement entre les 50 000 et les 25 000 premiers foyers fiscaux.

Reste enfin que la mobilité de la base imposable des plus hauts revenus est la plus importante, et que le rapport de la mission d'information de la Commission des finances de l'Assemblée Nationale, ne parvient pas non plus à chiffrer le potentiel de re-ventilation de leurs revenus sur les autres niches fiscales en cas de plafonnement des quatre dépenses fiscales stigmatisées. Or il y a urgence, car l'exode fiscal est désormais massif (voir encadré). Heureusement, le cabinet de Christine Lagarde, contre l'avis de l'administration de Bercy et certains parlementaires coalisés, a repoussé l'idée d'un plafond global pour les niches fiscales… reste à savoir si cette promesse sera suffisante pour rassurer les intéressés.

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