Actualité

Loi Boutin : La crise du logement va continuer !

L'Etat veut tout faire

Face à la pénurie de logements, l'État monte en première ligne. La nouvelle loi (Mobilisation pour le Logement et la Lutte contre l'Exclusion) se concentre sur la gestion du système du logement public et HLM, sans se demander pourquoi on en est arrivé là.
Malgré des dizaines de milliards d'euros de financement public par an, un million de personnes sont mal logées et cent mille à la rue parce que ces aides privilégient un parc public géré de façon administrative et qui favorise les locataires existants aux dépens des personnes en liste d'attente, même si les locataires « en place » disposent de revenus très élevés ou de logements trop grands.

La fin des expulsions :
190.000 problèmes de plus

D'après les associations de locataires, 200.000 jugements d'expulsion sont prononcés chaque année par les tribunaux et 10.000 sont effectivement réalisés.

En décidant de prendre en main le sort des 200.000 ménages intéressés, Christine Boutin leur a fait passer un message que nous pourrions résumer ainsi : « ne payez pas votre loyer, ne cherchez pas un autre logement, je m'occupe de tout ».

Jusqu'à présent, 190.000 trouvaient eux-mêmes une solution et quittaient leur logement avant l'expulsion par la force publique. Qu'en sera-t-il demain ?

Ce message sera aussi reçu par une partie de ceux qui réglaient scrupuleusement leur loyer.

La situation des 10.000 expulsés doit être traitée mais la méthode utilisée ici va augmenter le nombre de conflits et décourager les propriétaires.

Pour les propriétaires occupants : rien

La moitié des ménages occupent le logement dont ils sont propriétaires, totalement ou en cours d'acquisition, mais la nouvelle loi ne mentionne même pas cette catégorie.

Nombre d'entre eux (40% d'après notre estimation) ont pourtant des revenus modestes, très inférieurs aux plafonds d'entrée dans une HLM. Ne pas les aider semble normal, sauf que l'État subventionne massivement des personnes logées en HLM dont certaines ont des revenus supérieurs à ceux des propriétaires.

Un signal fort pour dire : « N'achetez surtout pas votre logement, restez dans celui que vous ont fourni les HLM. »

Pour les propriétaires bailleurs : presque rien

Dans les 95 pages du projet de loi, les propriétaires bailleurs privés existants ne sont cités qu'une seule fois. La loi prévoit de ramener de trois à un an le délai pendant lequel le juge pourra surseoir à l'exécution d'une décision d'expulsion d'un locataire. Des associations se sont insurgées contre cette « division par 3 du délai de protection des locataires ».

Mais seule la phase finale de la procédure sera raccourcie. Rien de changé pour les trois à quatre ans de lettres recommandées, d'huissiers, de jugements, de frais, de charges et d'impôts à payer malgré les loyers perdus. Pour récupérer leur appartement, des propriétaires se résignent même à verser un dessous de table à leurs locataires.

Seulement 6% de loyers impayés

C'est le chiffre donné par le ministère du Logement et qu'il estime très faible. Les retards de quelques semaines ou de quelques mois n'étant pas signalés par les propriétaires, ce pourcentage de 6%correspond aux situations catastrophes.

Avec 6% d'impayés, chaque propriétaire d'un logement est confronté en moyenne tous les seize ans, à un très sérieux problème. Ce qui semble un léger problème aux fonctionnaires du ministère, constitue en fait une catastrophe, notamment pour la majorité des propriétaires qui ne louent qu'un ou deux logements.

Pour les futurs propriétaires : quelques mesures

Confiant dans la volonté de Nicolas Sarkozy de faire de la France un pays de propriétaires, on pensait que ce chapitre constituerait l'essentiel de la loi.
Après le fiasco de la maison Borloo à 100 000 €, c'est la maison Boutin à 15 € par jour qui est proposée. Une idée sympathique, mais marginale.

Autres mesures : le doublement du montant du prêt à taux zéro et une TVA à taux réduit (5,5%) appliquée à l'acquisition de certains logements sociaux.
Pour les nouvelles constructions, deux points intéressants : la possibilité pour les maires d'autoriser un assouplissement des règles des plans d'occupation des sols et une ouverture des zones d'aménagement à l'initiative d'entrepreneurs privés.

Pour le logement public : un vaste plan de plus

Que 70% des ménages français aient le droit d'obtenir une HLM et plus de 90% le droit d'y rester a fini par paraître ridicule et injuste pour les vrais mal logés.
Les plafonds de ressources pour accéder à une HLM seront baissés de 10% et indexés, non plus sur le Smic, mais sur l'indice des loyers qui évolue moins vite.
60% des ménages seront encore en droit d'obtenir une HLM. Le droit au maintien dans son logement HLM est aussi légèrement réduit. L'organisme HLM pourra demander l'expulsion d'un locataire dont le logement est devenu trop grand. Mais seulement après 3 refus de relogement, puis un délai de six mois, et à condition que le locataire ait moins de 70 ans.

Le surloyer appliqué aux locataires dont les revenus dépassent les plafonds sera renforcé et ceux dont les revenus sont plus du double des plafonds devront quitter leur HLM dans un délai de trois ans. Pour un couple avec 2 enfants à Paris en 2008, cela correspond à un revenu net en 2006 de plus de 9 182 € par mois ! Dans ces 2 cas, (sous-occupation et sur-revenus), si la procédure dure de quatre à cinq ans, le nombre de logements libérés sera minime.

La majeure partie de la loi est consacrée à renforcer le contrôle de l'activité des organismes HLM et du 1% logement. Des contrats d'objectifs quantitatifs et sociaux détaillés seront signés entre l'État et ces organismes. Une méthode louable mais qui ne devrait pas beaucoup changer leur mode de fonctionnement.

L'acquisition par les organismes HLM de logements construits ou à construire par des promoteurs privés est facilitée, une mesure utile puisque les organismes HLM n'arrivent pas à construire par eux-mêmes tous les logements qui sont financés.
Dans un premier temps, 30 000 logements étaient visés par cette mesure. Le plan de relance en a ajouté 70 000 autres.

Deux paragraphes clés manquent dans la loi

Seule la vente massive de logements HLM à leurs locataires peut développer l'accession à la propriété des ménages aux revenus modestes.

En 2008, les organismes HLM n'ont pas tenu leur engagement de 43 000 ventes. Cette contrainte doit maintenant être incluse dans la loi, modulée en fonction des régions et des types de HLM, mais avec des pénalités pour les organismes qui ne respectent pas leur quota (pénalité financière et vente par le préfet).

L'exemple de pays étrangers montre que la solution à notre crise du logement locatif consiste à ramener les investisseurs privés sur ce marché et à concentrer l'action de l'État sur la population qui en a vraiment besoin. Comme l'a montré Étienne Wasmer, il n'y a pas de crise du logement au Québec.

Les relations entre propriétaires et locataires sont arbitrées par une juridiction spéciale qui traite les problèmes en quelques semaines, pas en quelques années. Par nature, l'immobilier n'est pas un investissement très liquide. Mais s'il risque d'être bloqué pendant des années, il est inévitable que les investisseurs s'en détournent.

Les plus clairvoyants, les assureurs et les structures foncières, ont quitté ce marché depuis vingt ans. Les propriétaires privés font de même.

Revenus nets permettant en 2008 de rester dans un logement HLM
Les revenus pris en compte sont ceux de l'année N-2, 2006 dans ce cas
Paris et communes limitrophesAutres régions (hors région parisienne)
Célibataire 3 926 €/mois 3 413 €/mois
Couple 5 867 €/mois 4 558 €/mois
Couple et 1 enfant 7 691 €/mois 5 481 €/mois
Couple et 2 enfants 9 182 €/mois 6 616 €/mois
Notes : le revenu maximum autorisant l'accès à une HLM est fixé à la moitié des revenus ci-dessus. En 2007, le revenu moyen net des ménages est de 2 333 € par mois.
Projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion

Extrait du compte rendu du Conseil des ministres

Pour mettre un terme à la crise du logement, le projet de loi vise à concentrer les interventions de tous les acteurs autour de priorités fortes

- 1. Renforcer l'engagement des organismes d'habitations à loyer modéré et du 1% logement dans la mise en œuvre de la politique du logement.
- 2. Mettre les outils d'urbanisme et de planification au service de la construction de logements.
- 3. Lancer un programme pluriannuel de rénovation des quartiers anciens dégradés, complément indispensable du programme national de rénovation urbaine.
- 4. Permettre l'accès des plus défavorisés à l'hébergement et au logement, pour concrétiser la mise en œuvre du droit au logement opposable.
- 5. Développer l'accession populaire à la propriété.

La loi répond bien à 4 des objectifs fixés par le Conseil des ministres et malheureusement pas au plus important, le 5e. Pour le locatif privé, et donc la fin de la crise du logement, il faudra attendre une autre loi.