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Logement : quelles mesures de simplification ?

Les 50 mesures du rapport Mandon-Poitrinal

Le rapport Mandon Poitrinal paru en début de semaine annonce 50 mesures pour un choc de simplification. Parmi celles-ci, 9 concernent le secteur du logement et de la construction :

Faciliter les opérations d'aménagement et de construction

La diversité des différentes normes à respecter (électricité, incendie, thermique…) et la complexité des procédures d'autorisation pèsent sur les coûts et les délais de construction. Un ensemble de mesures permettra désormais de faciliter les opérations d'aménagement et de construction :

  • mesure 36 : Encadrer et réduire les délais d'instruction des autorisations d'urbanisme et des permis de construire, notamment en étudiant des modalités alternatives d'enquête publique
  • mesure 37 : Réviser les obligations réglementaires parasismiques pour les bâtiments neufs
  • mesure 38 : Alléger les obligations réglementaires relatives à la modernisation des ascenseurs existants
  • mesure 39 : Réviser la norme des installations électriques des bâtiments d'habitation neufs
  • mesure 40 : Réviser la réglementation de la sécurité incendie
  • mesure 41 : Adapter les seuils et/ou simplifier l'application de la RT2012 pour les petites extensions de bâtiments existants
  • mesure 42 : Faciliter les projets de logements en zone urbaine
  • mesure 43 : Réviser la réglementation en matière de local à vélos
  • mesure 44 : Créer une autorisation unique pour les projets électriques en mer

C'est une bonne chose car s'il est un secteur qui s'illustre par sa complexité c'est bien le logement et c'est d'ailleurs un dénominateur commun que l'on retrouve dans tous les rapports publics et diagnostics qui s'accumulent depuis des décennies pour identifier les causes de la crise du logement. Mais est-ce bien suffisant ?

Sur 15 ans les coûts de construction ont augmenté de 60% dont 1/3 imputable à la réglementation

Le travail à accomplir sur l'empilement législatif qui encadre l'acte de construire est immense : A l'occasion d'une réunion organisée par la Fondation Concorde sur ce sujet, le représentant de la Fédération Française du Bâtiment avait indiqué « Sur 15 ans les coûts de construction ont augmenté de 60% dont 1/3 sont imputable à la réglementation ». Comme le montre l'encadré ci-dessous la compatibilité du projet de construction doit aujourd'hui s'examiner au regard de textes de plus en plus nombreux et dont la mise en oeuvre successive s'est rapprochée augmentant d'autant la difficulté de combiner ces nouvelles normes :

Un groupe de travail FPI-USH-UMF s'est efforcé de chiffrer l'impact des normes sur les prix de construction. En se référant à une opération type de 40 logements de 55m² en moyenne, le groupe de travail à estimé les fourchettes de prix suivantes à :
  • 950 à 1.200 € HT / m² habitable en 2000 ;
  • 1.200 à 1.400 € HT / m² habitable en 2005 ;
  • 1.600 à 1.800 € HT / m² habitable en 2011 ;

soit une augmentation moyenne de 11 % en 5 ans et de 58 % sur 11 ans. Dans ce contexte, sur les mêmes bases, le groupe estime le surcoût règlementaire et normatif sur la période entre 23 %et 38 %, sept postes expliquant à eux seuls 22 points de pourcentage, tout en rappelant que ces différents postes ne se cumulent pas de manière systématique pour toutes les opérations, à savoir :

  • performance énergétique (RT2000 RT 2005 label BBC) : thermique = 6% + Label certifié = 2% ≈ 8%
  • accessibilité (2005) ≈ 4%
  • acoustique (NRA 2012) ≈ 3%
  • pollution des sols, mises en décharge (2005) ≈ 3%
  • loi sur l'eau (2005) ≈ 1,5%
  • sismique (2012) ≈ 1,3%
  • véhicules électriques / locaux à vélos (2012) ≈ 1,2%

Pour sa part, l'UCI-FFB a estimé, sur la base de 320 dossiers issus de sa manifestation « Construire durablement moins cher », l'impact d'un certain nombre de normes et de réglementations sur les coûts de construction :

  • la loi du 11 février 2005 concernant l'accessibilité dont le coût est évalué à 5% ;
  • la loi Grenelle 1 du 3 août 2009 relative à la performance thermique a contribué à une hausse du coût de construction évaluée entre 7 et 10% (cf. aussi encadré 1) ;
  • le décret du 30 mai 2011 relatif à l'isolation acoustique a renchéri les coûts d'environ 2% ;
  • la réglementation sismique a entraîné une augmentation du coût de construction comprise entre 2 et 4% ;
  • la norme NF C 15-100 qui impose notamment un nombre élevé de prises électriques a provoqué une hausse du coût comprise entre 0,34 et 0,40% ;
  • enfin, l'incidence du coût de la nouvelle taxe d'aménagement est estimée à 1,8%.

Il faut noter que certaines réglementations amènent un transfert de coût entre les phases d'investissement et d'exploitation : c'est le cas des réglementations énergétiques. Rapport FFB : Analyse de l'évolution comparée des prix et des coûts dans le bâtiment, juillet 2013.

Refondre la carte territoriale

Les efforts de simplification trouveront d'autant plus d'échos que l'on s'attaquera aussi au millefeuille territorial. Car actuellement la compétence logement au niveau réglementaire est éclatée entre les différents échelons locaux à qui l'Etat a délégué la mission de construire du logement :

  • PLU pour la commune qui conserve la délivrance du permis de construire,
  • PLH et SCOT pour l'intercommunalité,
  • PDH pour le département.

La région qui n'a pas à proprement parler de compétences a néanmoins à intervenir sur la construction par sa compétence environnement et aménagement du territoire. En Ile-de-France, la région s'est vue accorder des pouvoirs supplémentaires dans le cadre de la loi Lebranchu « MAPAM ».

La refonte de la carte administrative annoncée par Manuel Valls devrait donc permettre d'alléger ces référentiels locaux. Tous les élus s'accordent à dire que dans les zones tendues particulièrement où il faudrait produire massivement du logement région IDF, PACA, l'éclatement des compétences est une source de complexité et de retard dans la production de logement.

Mais l'État n'est pas en reste

Mais l'Etat doit aussi apporter sa contribution en la matière : la réglementation nationale d'urbanisme est particulièrement florissante :

  • plans de prévention des risques technologiques (PPRT), des plans de prévention des risques naturels (PPRN), des plans de prévention des risques miniers (PPRM), zones de danger autour des sites SEVESO, zones inondables,…
  • localisation des projets dans des sites figurant au patrimoine mondial de l'UNESCO, dans un parc naturel régional (PNR), dans des sites classés en natura 2000, dans des unités paysagères répertoriées par l'atlas des paysages, dans des périmètres de zone importante pour la conservation des oiseaux (ZICO), de zones naturelles d'intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF) ou de zones humides permettra d'examiner et d'apprécier le respect des préoccupations environnementales.
  • constructions de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales », zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP), territoires dotés d'un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) approuvé, mise en valeur de sites ou de vestiges archéologiques.

On le voit à travers ces exemples, la volonté du rapport Mandon-Poitrinal de s'attaquer à la réglementation si touffue de l'aménagement et de la construction est la bienvenue et doit constituer une première étape dans une voie beaucoup plus réformatrice.

Malheureusement, on ne peut que déplorer que le gouvernement, par les mesures qu'il prend, semble tout faire pour adresser des signaux contradictoires au secteur du logement voulant tout à la fois encourager l'offre mais de plus en plus l'encadrer : encadrement des loyers, loi ALUR, relèvement des minima de logements sociaux prévus par la loi SRU, GUL, réquisitions, etc. Aujourd'hui, le secteur du logement a surtout besoin de stabilité pour répondre à la demande alors que l'OCDE a établi que notre déficit en logements participe à notre manque de compétitivité. Aujourd'hui ce que l'on constate c'est qu'il faut deux fois plus de temps pour construire qu'il y a 20 ans.

Le rapport de simplification sera donc loin d'être suffisant pour rattraper le retard en matière de construction de logements. Malgré les engagements très forts pris par François Hollande durant sa campagne électorale pour la présidentielle, le secteur de la construction accuse un plus bas historique. Alors que le président de la République a fixé un objectif ambitieux de 500.000 logements nouveaux par an, les chiffres montrent que, au cours des 20 dernières années, on a rarement dépassé les 400.000 par an, et que l'on est même en net recul en 2013 (le nombre de logements commencés a atteint 331.867 en 2013, soit le niveau le plus bas de ces dix dernières années).