Actualité

L'impact des grèves sur le pouvoir d'achat des Français

Une journée de grèves détruirait 2500 emplois

L'économie française, dont l'INSEE a dressé un sombre tableau pour 2009 [1], se serait bien passée des grèves des 29 janvier et 19 mars. Pour les seules administrations publiques et les transports, nous estimons le coût de ces deux jours de grève à 600 millions d'euros.
Les syndicats ont appelé à manifester pour défendre l'emploi et le pouvoir d'achat. Ils peuvent déjà se féliciter d'avoir amputé le pouvoir d'achat de chaque foyer d'environ 25 euros et détruit directement autour de 5 000 emplois. Et l'année sociale ne fait que commencer …

Un coût astronomique

Le PIB, ou richesse nationale, se définit comme la somme des valeurs ajoutées des entreprises et des administrations publiques. La valeur ajoutée d'une entreprise est obtenue en calculant la différence entre un prix de vente et un coût de production. Celle des administrations publiques présente la particularité d'être estimée à son coût dans le budget de la Nation.

En effet, la production des administrations n'est pas vendue et n'a donc pas de valeur marchande. Une journée de valeur ajoutée des administrations est de 1,1 milliard d'euros [2]. En connaissant le pourcentage de grévistes soit 25% le 29 janvier et 21% le 19 mars, il est donc possible d'estimer la perte de production des services publics à 600 millions d'euros [3] pour deux jours de grève. Empiriquement, la perte de 1 point de PIB entraîne la destruction de 200 000 emplois. Nous pouvons donc estimer que deux journées de grève coûtent environ 5 000 emplois à notre économie. Soit 4 fois les licenciements de l'usine Continental de Claroix.

Bien sûr, ces calculs ne fournissent qu'une première approximation. Mais, sauf à considérer que l'administration ne produit rien, ils montrent bien que les grèves produisent les effets inverses de ceux recherchés en détruisant de la richesse et du pouvoir d'achat.

Ce que l'on ne voit pas

Bien sûr, la question n'est pas simple. Car, comme pour toute question économique, il y a ce que l'on voit et ce que l'on ne voit pas. Il n'est déjà pas facile de mesurer ce que l'on voit, c'est-à-dire la paralysie des transports ou la désorganisation générale de l'activité économique et sociale.

Il est encore bien moins facile d'estimer le coût de ce qui ne se voit pas, et constitue pourtant l'essentiel. De fait, l'image de la France, souvent caricaturée pour ses grèves à répétition, est dégradée. Cela prive notre pays d'investissements étrangers, potentiellement créateurs d'emplois. Nous en recevons en moyenne deux fois moins que l'Allemagne, et 30% de moins que le Royaume-Uni [4].

Les grèves ont également un effet négatif sur le moral des entrepreneurs et des ménages, ce qui en temps de crise est particulièrement néfaste. Enfin, elles minent la confiance, fluide essentiel au redémarrage de la croissance.

Absence de bien-fondé

Inutile de préciser que l'immense majorité des grévistes étaient des fonctionnaires protégés par leur statut. Ils n'ont aucune crainte de perdre leur emploi ou de voir leur salaire baisser. Ils ne s'exposent à aucune sanction.

Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que les revendications soient si floues : il s'agit, notamment « d'infléchir la politique du gouvernement et des entreprises sur l'emploi et les salaires ». Le pouvoir d'achat ne se décrète pas, pas plus que l'emploi. Les syndicats défendent là surtout des intérêts corporatistes, il n'y a qu'à voir leurs charges contre la RGPP ou l'évaluation des services publics.

Sortir plus fort de la crise

La sortie de crise passe, contrairement à ce que semblent croire les manifestants-grévistes d'hier et d'aujourd'hui, par une meilleure attractivité de la France, la réforme en profondeur de l'Etat et la modernisation de notre fonction publique. Plus que de sa propre caricature, la France a besoin de partenaires sociaux responsables et ouverts au dialogue. Cela permettrait peut-être à nos grandes centrales syndicales de regagner les millions d'adhérents qu'elles ont perdu en 25 ans.

[1] Recul du PIB de 1,5% au premier semestre 2009, 400 000 destructions d'emploi

[2] Source INSEE, Comptes Nationaux (2007)

[3] Perte liée au transport ferroviaire incluse

[4] Chiffres 2006 (source OCDE)