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« L'hôpital face aux nouveaux défis doit disposer d'un vrai patron et offrir une véritable valorisation à ses professionnels »

Joël Bouffies est directeur du Centre hospitalier sud-francilien (850 lits, 3 500 personnels). Très investi dans sa mission, Joël Bouffies, ancien délégué général adjoint de la Fédération hospitalière de France, passe au crible les points faibles de notre système hospitalier. Entretien.

AVM : La situation de l'hôpital public est-elle aussi grave qu'on le dit ?

Joël Bouffies : L'hôpital est aujourd'hui à la croisée des chemins, entre la recherche de l'efficience et l'exercice de ses missions traditionnelles. Il existe une attente très forte de réformes et en même temps une crainte de leur impact. Les conclusions du rapport de la commission présidée par M. Gérard Larcher étaient en cela très attendues.

AVM : Quelles sont les failles de l'organisation de l'hôpital ?

J.B. : Beaucoup a déjà été dit sur le sujet, mais j'insisterai sur deux points. D'une part, l'hôpital n'est pas en mesure aujourd'hui d'encourager les initiatives et l'engagement de chacun dans l'institution. Nous ne disposons pas de modalités de valorisation individuelle afin de compléter la gestion collective des ressources humaines. Le mode de rémunération devrait, en ce sens et à l'avenir, tenir compte de cette exigence. D'autre part, la gouvernance, tout en respectant les différentes représentations à l'hôpital, doit conforter le rôle et la place du directeur. L'hôpital face aux nouveaux défis doit disposer d'un vrai patron disposant des pouvoirs nécessaires pour arbitrer et trancher quand la situation l'exige.

AVM : Pensez-vous que l'on arrivera à sortir de la logique de statut, statut de l'hôpital public et statut de la fonction publique hospitalière ?

J.B. : Je ne suis pas sûr que la question du statut soit la plus déterminante. Ce qui est important c'est le contenu, pas le contenant. Il faut doter l'hôpital d'outils de gestion modernes qui lui permettent d'être réactif. À cet égard, il faut sans doute prendre le meilleur des deux modèles privé et public pour inventer une troisième voie offrant la souplesse de gestion du secteur privé tout en gardant les valeurs de service public. D'ailleurs, service public ne veut pas forcément dire « statut public ». Il est évident qu'il peut y avoir des concessions de service public au secteur privé, dans le domaine de la santé, cela existe déjà. Il faut par contre que les exigences et les contraintes soient les mêmes, je pense en particulier à la permanence des soins.

AVM : Pensez-vous que le gouvernement va dans la bonne direction en ce qui concerne la réforme de l'hôpital public ?

J.B. : La France en général et l'hôpital en particulier ont besoin de réformes. Si l'hôpital veut résoudre l'équation entre performance et service public, il doit évoluer. Les propositions issues du rapport de la commission de Gérard Larcher sur les missions de l'hôpital tracent des sillons porteurs d'espoir pour l'avenir : des modalités de coopération renforcées pour une organisation territoriale coordonnant davantage tous les acteurs de soins, des modes de rémunération et de contractualisation plus en phase avec les nouvelles réalités, une gouvernance clarifiée, de nouveaux outils de gestion, une organisation des activités de recherche simplifiée. Je ne doute pas de la volonté des pouvoirs publics de donner le plus rapidement qu'il soit une traduction concrète à ces orientations.