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Les solutions à l'immobilier inoccupé

Des solutions alternatives à la location existent

Comment valoriser les locaux vacants et répondre au besoin de logement d'une population jeune et active pour laquelle la mobilité est l'une des caractéristiques essentielles ? Un nouveau concept d'occupation temporaire de bâtiments inoccupés se répand en Europe : il s'agit d'occuper pour un prix très bas, des locaux publics ou privés momentanément inoccupés : usines, couvents, ministères… Cette activité vient d'être validée à l'article 27 quinquies de la loi Boutin de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion. Les candidats intéressés peuvent désormais s'inscrire en ligne sur le site de la société Lancelot-France filiale de la société néerlandaise Camelot Property Management pionnière en Europe en la matière.

Les profils des candidats recherchés sont très variés, mais tous acceptent par avance les contraintes et les avantages de ce type de contrat : trouver facilement un logement, mais devoir le libérer également rapidement en fonction des contraintes du propriétaire. En outre, le candidat potentiel ne maîtrise pas la nature des locaux : il peut occuper les locaux de prestige d'un ministère en attente de réaffectation (une antenne du ministère des finances à Bruxelles par exemple), un château ou des locaux industriels et commerciaux préalablement viabilisés pour l'habitation. Moyennant cela, le bénéficiaire trouvera à se loger pour un coût modique (150€/mois charges comprises) et permuter éventuellement avec des surfaces se libérant dans la même zone géographique.

Du côté des propriétaires publics ou privés, la gestion de leur patrimoine immobilier leur impose de valoriser au maximum les locaux inoccupés à titre provisoire. Une situation qui peut être coûteuse pour les personnes privées puisqu'elles sont systématiquement assujetties à une taxe sur les locaux vacants pour les inciter à prendre des locataires. Pour les personnes publiques, rien de tel, mais la vacance de l'immobilier intervient généralement lorsque France Domaine incite, lors d'une opération de valorisation patrimoniale, à « immobiliser » le bien [1] dans l'attente d'une future dévolution : une vente future ou une réaffectation au bénéfice d'un nouvel occupant de statut public ou privé. Cet intermède qui peut durer plusieurs mois voire plusieurs années à un coût pour le propriétaire qui doit non seulement éviter la dégradation des locaux, mais encore prévenir les incursions de tierces personnes en y allouant un budget de gardiennage.

La société Lancelot France propose donc un concept permettant une gestion souple de l'immobilier inoccupé qui offre également une solution innovante à des locataires provisoires triés sur le volet. Nous avons posé quelques questions à Julien Chatard, directeur commercial de la filiale française. Explications :

iFRAP : Julien Chatard bonjour. L'intérêt de votre concept est que vous pouvez assurer l'occupation de locaux même lorsqu'ils n'étaient pas par nature destinés à l'habitation. Comment procédez-vous ?

Julien Chatard : Bonjour. Il est vrai que nous pouvons occuper tous types de locaux : bureaux, châteaux, monastères, entrepôts, usines… Lorsqu'un propriétaire nous propose un bâtiment, nous effectuons en premier lieu une inspection initiale. C'est notre première prise de contact avec le bâtiment [2]. D'où l'intérêt de récupérer des bâtiments venant de se libérer.
Ensuite, si nous acceptons le site, une deuxième visite s'effectue rapidement afin, justement, de déterminer la superficie et les pièces à occuper (environ 20% du site) afin que le bâtiment soit préservé de manière optimale, ainsi que les aménagements à mettre en place. Pour les bâtiments à usage d'habitation, les travaux sont souvent minimes (une serrure sur chaque porte), pour les autres bâtiments, les travaux sont un peu plus conséquents tout en restant simples (mise en place de douche amovible, de ballons d'eau chaude…). Nous respectons les règles d'hygiène et de sécurité en vigueur.

iFRAP : Votre société mère, de nationalité hollandaise, existe depuis 1992. Quelles sont les économies que vous avez dès à présent réussi à dégager au bénéfice de vos clients dans les autres pays où vous exerciez déjà vos activités. Dans le secteur public, comme dans le secteur privé ?

Julien Chatard : Comme vous le rappelez, notre société mère est néerlandaise. Le groupe Camelot, dont Lancelot est la filiale, s'est développé depuis 20 ans, en Angleterre, Belgique, Irlande, Ecosse et bientôt Allemagne. Notre chiffre d'affaires en Europe est de 12 millions d'euros en 2008 pour 400 clients et 1000 locaux sous gestion, hébergeant environ 2400 résidents temporaires [3]. L'économie minimale réalisée par nos clients peut ainsi être estimée à 24 millions d'euros (hypothèse basse, Lancelot est 3 fois moins cher qu'une société de sécurité classique, préservation du bâtiment non valorisée). Soit 60 000 euros d'économie par client et par an en moyenne.

iFRAP : Votre activité concerne non seulement les immeubles vacants à destination d'habitation ou industriels mais également les bâtiments publics. Quelle est la proportion actuelle de surface jugée vacante par vos services au sein du domaine public susceptible de bénéficier de vos prestations ?

Julien Chatard : Les chiffres concernant l'immobilier de l'Etat sont toujours un peu troubles. Surtout qu'il faudrait prendre en compte dans nos chiffres le patrimoine de l'Etat proprement dit mais aussi celui des opérateurs. Nous estimons à environ 120 millions de mètres carrés le patrimoine total de l'Etat et des opérateurs. Nous évaluons à 5% les surfaces vacantes soit 6 millions de m² permettent d'héberger temporairement 20 000 résidents temporaires, chaque résident bénéficiant en moyenne de 300 m² (dont 15 m² totalement personnels) et autant d'espace partagé avec les autres co-résidents. En outre, ce qui compte pour notre activité, c'est l'habitabilité rapide de l'immeuble. Les meilleurs locaux sont ceux qui viennent de se libérer ou vont se libérer prochainement. Les frais d'aménagement sont ainsi réduits au minimum.

iFRAP : Vous avez noué des contacts avec le ministère de la recherche et de l'enseignement supérieur. L'immobilier universitaire vous intéresse, à quel titre ?

Julien Chatard : Il est vrai que nous avons noué des contacts avec le ministère de l'enseignement supérieur. En fait, ce sont surtout les étudiants et le corps enseignant qui nous intéressent, en tant que candidats sérieux à l'hébergement que nous proposons. Nous le ferons prochainement avec le secrétariat d'état à l'emploi pour lequel nous comptons proposer la même solution.
Nous nous sommes également rapprochés du ministère de l'enseignement supérieur afin de nous porter candidats pour l'expérimentation qui va être mise en place au Havre. En effet, l'université du Havre et les services du Crous ont décidé de mettre en place une résidence étudiante de logements modulaires (containers). Le groupe Camelot a déjà l'expérience de ce genre de projets. Nous pouvons proposer une nouvelle forme de résidence à une population touchée par le manque de logement.
Enfin, nous travaillons en collaboration avec le ministère de la défense, de la justice et d'autres encore…

iFRAP : Pour vous le secteur public français est un marché porteur. En vous basant sur vos expériences avec les secteurs publics étrangers, pensez-vous que les marges de valorisation en France sont particulièrement importantes ? Y-a-t-il des difficultés françaises spécifiques que vous allez devoir surmonter ?

Julien Chatard : Depuis quelque temps, nous ressentons un réveil des consciences concernant la sauvegarde et la valorisation du patrimoine bâti en France. Nombre de collectivités territoriales ont entrepris des travaux d'inventaire de leur patrimoine. D'autre part, de nombreux rapports parlementaires dénoncent la mauvaise gestion du patrimoine immobilier de l'Etat (ou/et opérateurs) et s'interrogent, à juste titre, sur le devenir de ce patrimoine.
De fait, nous avons, depuis un an et demi maintenant, rencontré de nombreuses difficultés liées au caractère novateur de la préservation de bâtiments désaffectés par occupation de personnes. Nous avons grâce à différents appuis (le cabinet de Christine Boutin, les députés Etienne Pinte, Michel Piron, Marc-Philippe Daubresse, le délégué interministériel pour le développement de l'offre de logements (DIDOL) Jean-Louis Hélary…) pu faire voter un article dans la loi Boutin, qui vient rendre légal et attractif ce dispositif. Cependant, un manque de volonté politique empêche bien souvent les décideurs (maires, présidents de communautés de communes, d'agglomérations urbaines, directeurs de l'immobilier de grandes entreprises) d'oser l'expérimentation. Enfin, en ce qui concerne le secteur public et plus particulièrement l'immobilier de l'Etat et de ses opérateurs, une autre difficulté apparaît : trouver la personne qui est apte à prendre la décision pour contracter avec nous. Nous en venons souvent à penser que le seul décideur semble être le ministre car France Domaine et les services des ministères concernés se renvoient trop souvent la balle.

iFRAP : La surveillance des locaux en cours de réaffectation et provisoirement vacants participe de la préservation de leur état général. Quelles économies parvenez-vous à faire réaliser à vos clients, et pour quels montants ?

Julien Chatard : Pour répondre à votre question, il faut distinguer deux sources d'économie, celle liée à la protection et celle liée à la préservation. Ce distinguo, loin d'être anodin, participe à une économie plus importante encore.
- En ce qui concerne la protection, par comparaison avec les tarifs de sociétés de sécurité classiques, nous sommes 3 à 10 fois moins chers [4].
- D'autre part, des économies sont réalisées quant à la préservation du bâtiment. En effet, un site non entretenu et inoccupé se dégrade beaucoup plus vite. On peut estimer à 5% de la valeur du bien le coût annuel de cette dégradation, sans préjudice d'accidents graves (carreaux cassés, toit effondré, inondation, incendie) qui peuvent réduire à zéro la valeur du bâti.
- Enfin, nous pouvons ajouter que les primes d'assurances sont réduites.

iFRAP : Vos prestations se structurent autour du concept d'habitation à titre temporaire. Comment sélectionnez-vous vos candidats à l'hébergement provisoire ? Quels sont les profils qui retiennent le plus votre attention ?

Julien Chatard : La filiale française est fonctionnelle depuis le début de l'année 2008. L'inscription via notre site est la première démarche à effectuer. Ensuite, nous étudions toutes les inscriptions et nous recevons un à un les candidats potentiels. Outre les conditions préalables (avoir plus de 18 ans, ne pas avoir d'enfant (option) pour des raisons de mobilité, ne pas avoir de casier judiciaire), le candidat doit avoir compris et accepté les règles, en particulier le caractère temporaire de l'hébergement [5]. Ceci doit coïncider avec son projet d'hébergement, en particulier la durée de ce dernier. Enfin, nous recherchons l'adéquation entre le bâtiment et le candidat. La sélection des résidents est vraiment le cœur de métier de Lancelot car, contractuellement, nous garantissons de rendre en l'état et dans les délais les bâtiments qui nous ont été confiés. Pour que cette clause soit respectée, notre travail vise à retenir, en vue de leur installation, des résidents fiables. Enfin, nous nous assurons que nos résidents ont une résidence principale par ailleurs (chez leurs parents…).

iFRAP : Pourriez-vous nous préciser votre mode de facturation et sous quelles modalités les propriétaires peuvent récupérer la jouissance de leurs biens ?

Julien Chatard : La répartition de notre facturation se partage vers deux interlocuteurs :
- 150 euros par mois charges comprises, ceci est la participation des résidents temporaires. D'ailleurs ce coût est unique. C'est-à-dire que pour résider dans un immeuble prestigieux du XVIème arrondissement de Paris ou une usine en Province, 150 €/mois reste la norme.
- D'autre part, nous facturons le propriétaire par une redevance de gestion s'étalant entre 500 et 2000 € selon la surface et l'emplacement du bâtiment. Le propriétaire a, à sa charge également, les travaux initiaux (douches amovibles, serrures..) et les fluides utilisés par les résidents (électricité, eau…). Par ailleurs les conventions d'occupation précaires sont de 4 mois minimum. Le propriétaire a 5 semaines pour nous prévenir par lettre recommandée qu'il veut récupérer son bien. Nous répercutons l'information sur nos résidents qui ont 4 semaines pour s'en aller. Cependant, la convention d'occupation n'est pas limitée dans le temps [6] . Treize mois correspondent à la durée moyenne en Europe.

[1] Souvent par l'intermédiaire d'une opération dite de « portage » par une foncière en attendant de dénouer l'opération.

[2] Nous nous réservons le droit de refuser un site, si celui-ci est trop dégradé ou bien si le coût des travaux initiaux s'avérait trop élevé

[3] En cas d'urgence ils peuvent appeler une hot line 24h/24.

[4] A titre d'exemples de prix demandés par des société de sécurité pour des prestations de gardiennage 24h/24, 7j/7 : terrain militaire + bâtiments militaires Seine et Marne (de 300 000 à 700 000 € (devis)), école d'architecture région parisienne (+ 200 000 €), hôtel particulier, bureaux, Paris (150 000 €) , bureau + usine banlieue lyonnaise (+ 300 000 €), hôpital désaffecté, Versailles (+ 250 000 €).

[5] Il doit en outre disposer d'un casier judiciaire vierge, ne pas avoir d'enfant ou d'animaux domestiques sauf dispositions contraires.

[6] D'où l'intérêt de faire intervenir des professionnels. En effet, généralement les conventions d'occupation précaires peuvent comporter des risques en cas d'erreurs commises dans la rédaction des clauses. Mal ficelée, une convention est susceptible de se voir requalifiée en bail d'habitation. Les biens publics quant à eux sont bien évidemment exempts de ce risque juridique.