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Les salariés SNCF, RATP, EDF et GDF n'ont aucune raison de bloquer la France

Réforme des retraites : une potion douce plutot qu'un traitement de choc

Chaque année, la subvention des contribuables au régime de retraite de la SNCF est égale au budget de la culture ou à trois fois le montant du plan annuel de relance des universités. Avec cette somme, on pourrait construire sept viaducs de Millau ou dix hôpitaux Pompidou par an. Cela dure depuis des dizaines d'années et va empirer.

Les régimes des trois autres entreprises sont aussi anormaux, même si EDF et GDF ont réussi à faire financer leurs avantages retraite supplémentaires par une taxe obligatoire sur la consommation d'énergie. C'est moins voyant que la subvention d'État, mais aussi coûteux et injuste pour les autres Français.

- L'objectif d'équité est simple : aligner tous les régimes obligatoires de retraite sur le régime général, déjà difficile à financer par les générations au travail.
- L'objectif fixé par le gouvernement était déjà plus modeste : aligner les régimes très spéciaux (SNCF, RATP, EDF, GDF) sur le régime spécial des fonctionnaires, beaucoup plus avantageux que celui du privé.

Alors que les négociations se poursuivent, il est clair que les régimes de retraite de ces entreprises ne seront même pas alignés sur le régime des salariés de la fonction publique. Les tractations en cours sont mystérieuses, syndicats, directions et gouvernement souhaitant éviter les surenchères entre entreprises et sauver la face, mais les intéressés vont conserver des avantages importants. Les plus rapides, les conducteurs de trains qui partaient à la retraite à 50 ans ont déjà obtenu de partir à 55 ans (au lieu des 60 prévus au moins)... et des aménagements subtils devraient ramener cette limite vers 52,5 ans. La prise en compte des primes dans le calcul des retraites, l'attribution de deux trimestres gratuits par enfant, un compte d'épargne-temps et une augmentation automatique des salaires en fin de carrière (donc augmentation des retraites) devrait rendre douce la réforme.

De façon générale, la règle « passer de 37,5 à 40 années de cotisation » est en train de dériver vers « augmenter de 2,5 années la durée actuelle de cotisation ». Vu de loin, c'est pareil. En fait, c'est très différent. Ceux qui cotisaient 32 ans, par exemple, passeront à 34,5 ans. Un changement a minima qui conforte des situations injustifiées. Et le taux de décote applicable aux salariés qui veulent partir plus tôt sera plus favorable que celui appliqué aux fonctionnaires.

Après cette crise, les Français seront toujours divisés en trois catégories : régime de retraite du privé, régime spécial des fonctionnaires et régime très spécial dans ces quatre entreprises. Tiers-état, Prélats d'État, Noblesse de Monopole. En cherchant à profiter de leur position de force, la SNCF, la RATP, EDF et GDF et leurs salariés prennent des risques au moment où la concurrence va s'installer.

Ruiner son image de marque alors que toutes les autres entreprises cherchent par tous les moyens comment se faire aimer, est imprudent. Il a fallu beaucoup d'efforts à France Télécom pour redorer son blason. Il en faudra beaucoup plus à « la bande des 4 » s'ils perturbent gravement la vie de leurs concitoyens. Dans le domaine de l'énergie, le problème est en voie de résolution. Si tous les salariés de ce secteur, pas seulement ceux d'EDF, sont concernés par la réforme en cours, l'attitude de la dizaine de fournisseurs répertoriés par la Commission de régulation de l'énergie varie considérablement (voir notre tableau comparatif des grévistes chez les différents fournisseurs).

Part de grévistes chez les fournisseurs d'électricité pendant les grèves de novembre 2007
EntreprisesAlterna GEG Direct Énergie Électrabel SuezÉnercoop PlanèteUI Poweo Proxelia GDF EDF
Grévistes NC NC 0 % 0 % 0 % 0 % 0 % NC 45 % 50 %

Pour la SNCF, il ne reste plus que trois à cinq ans à patienter avant que des RyanTrain et des Easy-CheminsDeFer nous délivrent du monopole. Reste la RATP : que faire d'autre que d'accélérer l'automatisation des lignes de métro existantes ?

Quand Radio France était en grève, la vie courante était désorganisée. Quand France Télévision était en grève, les soirées étaient mornes. Quand Air France était en grève, voyager depuis la province était impossible. Mais qui s'en soucie depuis qu'il y a des centaines de radios privées, 14 chaînes de TNT gratuites et que des compagnies à bas coût sillonnent la France ? La solution au problème des régimes très spéciaux ? Si la loi est trop édulcorée, ce sera la concurrence.