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Les grèves réveillon à la SNCF

Le retard exceptionnel (quinze heures !) du train Strasbourg/Port Bou du 26 décembre 2010 a permis de mettre en lumière une pratique peu reluisante de certains syndicats : les grèves « réveillon ». Ces grèves, posées pour des motifs divers les 24-25 décembre et week-end du 31 décembre, permettraient chaque année à des cheminots de déserter leur poste pour passer les fêtes en famille. Mais le train Strasbourg/Port Bou a cumulé d'autres retards, en raison notamment des intempéries, comme l'indique un rapport d'enquête sur le retard de ce train, remis le 3 janvier 2011.

Dans les années 80, quand la qualité des voitures Renault est devenue insuffisante, les Français se sont simplement tournés vers d'autres marques. Ils n'ont pas cherché à savoir si la technologie des chaînes de montage était défaillante, si le service achat était négligent, ou si le temps de travail des salariés était insuffisant. A la même époque, quand le service fourni par Air France s'est dégradé, les clients n'ont pas enquêté sur la formation des stewards ou sur leur politique de rémunération : ils ont choisi d'autres compagnies. Et dans les deux cas, ce message simple a fini par être compris par les actionnaires et les salariés de ces entreprises, et les problèmes ont été corrigés.

A la SNCF comme dans toutes les entreprises en situation de monopole, c'est très différent. Faute de pouvoir simplement changer de fournisseur, tout se passe comme s'il fallait que ce soient les clients qui se penchent sur les dysfonctionnements, les analysent et évaluent les solutions proposées par le monopole. La façon dont la SNCF gère le train Strasbourg-Port Bou n'est vraiment pas le problème des passagers, mais ils doivent pourtant s'en occuper pour espérer faire changer les choses.

Le retard du train Strasbourg-Port Bou : une accumulation d'incidents relativement courants

Le 23 décembre 2010, la SNCF publie un communiqué sur son site Internet, annonçant d'une part un pic de fréquentation de voyageurs (2 millions de personnes), ainsi que de mauvaises conditions météorologiques. Malgré ce constat, la SNCF n'a pas su empêcher (prévoir ?) deux incidents dus aux intempéries trois jours plus tard : une défaillance d'un TER qui a bloqué la voie pendant deux heures, due à la présence de glace dans le circuit d'air ; une défaillance de la locomotive, qu'il a fallu changer, en raison de la présence de neige et d'eau dans les compartiments moteurs. Parmi les autres incidents ayant causé le retard du train, le rapport cite une erreur humaine de « bouclage » (vérification) de la planification de conducteur à Belfort. A la suite de cette erreur, aucun conducteur n'a été planifié pour prendre le relais du train à Belfort. Et le centre opérationnel de permanence a mis une demi-heure à se rendre compte de ce dysfonctionnement.

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Rapport d'enquête de la SNCF sur le train Strasbourg - Nice/Port Bou

Ces types de défaillances sont courants mais globalement peu fréquents puisqu'en 2009, les défaillances de matériel et les erreurs humaines n'auraient été à l'origine que de 35% des problèmes, contre 45% pour l'infrastructure, selon une étude du journal Les Echos. Plus « choquant », pour reprendre le terme de Guillaume Pépy, Président de la SNCF, dans l'émission Grand Jury RTL-LCI-Le Figaro le 9 janvier 2011, sont les préavis de grève déposés par deux syndicats de cheminots les week-ends de Noël et du 1er janvier 2011.

Les grèves « Réveillon »

Le rapport d'enquête sur le retard du train cite en effet ces mouvements sociaux, comme l'une des causes des incidents rencontrés :

« Ces manœuvres [pour recomposer des tranches] sont normalement prévues à Dijon mais, du fait d'une grève de l'ensemble des personnels de manœuvre de l'escale à Dijon lors des week-ends de Noël et du 1er janvier, les manœuvres ont été reportées à Lyon. Or cette gare de Lyon Part Dieu était déjà saturée. »

En effet, comme l'indique un article du 24 décembre 2010 du journal lyonnais Le Progrès, une partie du personnel de la gare lyonnaise est en grève, le syndicat Sud-Rail ayant déposé un préavis de grève, du vendredi 24 décembre au matin jusqu'au lundi 27, et un autre préavis pour le week-end du 31 [1], à Lyon et Chambéry. Sud-Rail voulait ainsi protester contre l'impact des restructurations sur le travail dans l'entreprise, signalant que 4 000 emplois de cheminots ont été supprimés en 2010 et que 2 000 suppressions de postes sont prévues en 2011. A Dijon, le préavis de grève avait été déposé par l'Unsa, à la suite duquel plus de 60% des agents s'étaient déclarés grévistes.

Guillaume Pépy a appelé ces grèves des grèves « réveillon ». Elles seraient, selon lui, « principalement déclenchées par le syndicat Sud-Rail depuis plusieurs années » pour permettre aux agents de passer les fêtes dans leur famille. De fait, en décembre 2009, le syndicat Sud-Rail à la gare Saint Lazare déposait un préavis de grève illimité le mercredi 29 décembre, un mouvement suivi par 95 % des 27 conducteurs de manœuvre. En Provence-Alpes-Côte d'Azur, Le syndicat Sud-Rail avait déposé fin 2009 un préavis de grève des contrôleurs, qui courait du jeudi 31 décembre 12h à samedi 2 janvier 6h. Un autre préavis concernait les agents de la police ferroviaire, depuis ce même 31 4h jusqu'au vendredi 1er janvier, 13h. Motif : Les agents de train « redoutaient des problèmes de sécurité durant la nuit de la Saint-Sylvestre ».

Si ces grèves « réveillon » sont si choquantes, et surtout récurrentes, on aimerait savoir ce que le Président de la SNCF, Guillaume Pépy a l'intention d'entreprendre pour y remédier. Mais y a-t-il eu des sanctions ? Guillaume Pépy a aussi annoncé sur RTL-LCI que l'odyssée du train Strasbourg-Port Bou était due à un « problème de fonctionnement ». C'est une première étape. La suivante : corriger effectivement ces dysfonctionnements.

[1] Ce préavis de grève débutait le jeudi 23 décembre 2010 à 18h00 et se poursuivait jusqu'au 27 décembre 2010 à 06 heures. Un deuxième préavis a été déposé pour la période du 30 décembre 2010 à 18 heures au 03 janvier 2011 à 06 heures.