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Les élections professionnelles face aux enjeux de la SNCF

Sortir la SNCF de sa bulle !

Après les élections professionnelles de la semaine passée, la réforme est-elle impossible à la SNCF ? Cette première application de la nouvelle loi sur la représentativité syndicale votée en août 2008 a vu l'émergence d'un pôle contestataire fort.
Avec la CGT arrivée en tête avec 40% des voix et Sud Rail en 3e place avec 15% des voix, ce sont les opposants à la réforme qui confortent leur position.
Les syndicats « réformateurs » sont franchement distancés : CFDT, Fgaac, même avec l'UNSA qui progresse, le pôle modéré n'atteint pas les 30% nécessaires pour valider un accord. Paradoxalement, ces résultats vont mettre les différents acteurs du monde ferroviaire face à leurs responsabilités, à l'heure où celui-ci est à la croisée des chemins : péricliter malgré l'argent de l'Etat ou se développer.

La pression des opérateurs privés et étrangers est à son maximum. Encouragés par Bruxelles, ils représentent une forte concurrence pour la SNCF : les nouveaux entrants sont présents sur le marché du fret, en 2010 sur le trafic international de voyageurs et très rapidement sur le trafic régional. Portés par des coûts inférieurs de 20 à 30% à ceux de la SNCF, ils sont d'autant plus incités à le faire que dans d'autres pays, ils sont confrontés à une SNCF particulièrement agressive qui joue le jeu de la concurrence.

La direction générale est face à ses responsabilités : le succès des syndicats les plus durs montre l'échec des politiques menées par les Présidents de la SNCF. En 12 ans, Louis Gallois, Anne-Marie Idrac et Guillaume Pepy n'ont pas réussi à faire évoluer les mentalités de leurs salariés. Ni la pédagogie, ni la démagogie, ni la menace n'ont été efficaces. Pédagogie, quand, au niveau central comme en régions, des millions d'heures sont consacrées chaque année à la négociation entre les dirigeants de la SNCF et les syndicats, et à l'information des salariés. Démagogie, quand la SNCF annonce des bénéfices et distribue des primes à tous ses salariés alors que l'Etat fournit douze milliards d'euros de subvention par an au couple SNCF/RFF, pour éviter la banqueroute. Menace, quand Guillaume Pepy avertit que, sans réforme des rythmes de travail, la branche fret disparaîtra. (cf notre Dossier SNCF : bilan et avenir du système ferroviaire français )

La CGT de son côté va-t-elle continuer sa surenchère pour éviter de se faire doubler sur sa gauche par SUD rail et porter alors la responsabilité du refus de la réforme ou accepter de se placer à la table des négociations ? Les élections professionnelles étant si rapprochées (tous les trois ans), la tentation est grande de la fuite en avant.

Il reste à un dernier acteur à prendre ses responsabilités, les pouvoirs publics. Cela signifie respecter les tentatives de réforme mises en place par la direction générale et ne pas la court-circuiter en négociant directement avec les syndicats, et respecter les injonctions de Bruxelles. La liste est longue des entreprises publiques en quasi faillite et qui s'en sont sorties in extremis : Renault, Air France, France Telecom, SNCM par exemple. Dans tous ces cas, la prise de conscience et la réforme se sont faites quand l'entreprise s'est décidée à évaluer sa performance face à la concurrence.

Dans le domaine des chemins de fer, l'atout de notre pays est de disposer à la fois d'un leader européen et de plusieurs concurrents très dynamiques. C'est la situation dans le domaine des télécommunications avec, face à FranceTelecom, des Free, SFR ou Bouygues Telecom. Pour que la SNCF devienne ce leader et ne soit pas marginalisée par des concurrents sans doute étrangers, les dirigeants de la SNCF auraient intérêt à exiger que l'ouverture à la concurrence soit immédiate, au lieu de tout faire pour la retarder. C'est urgent, plusieurs pays européens, dont l'Allemagne, ont devancé les injonctions de la Commission européenne. Leurs entreprises ont d'ores et déjà pris de l'avance sur la SNCF. Cette dernière doit sortir de sa bulle rapidement.