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Les chiffres de l'imposition du capital

Les débats entourant le financement du RSA soulèvent la question de la taxation du capital, et de son niveau en France, dont on nous dit qu'il serait faible en comparaison de celui des pays voisins. Qu'en est-il exactement ?
L'organisme Eurostat fournit plusieurs statistiques permettant de cerner la question.

1. Eurostat a publié, sur la base des données 2006, un tableau des « taux d'imposition implicite » (TII) des pays européens par type d'activité économique. Le TII mesure la charge fiscale totale, toutes impositions confondues, portant sur un type donné de ressources. On distingue trois types de ressources : la consommation, le travail et le capital. Le terme de « capital » ne doit pas ici être compris dans son sens étroit, par opposition aux revenus générés par le capital lui-même. Le TII sur le capital comprend ainsi l'impôt sur les bénéfices des sociétés, en même temps que l'imposition sur l'épargne des ménages et l'ISF. Son assiette est donc plus importante que celle sur laquelle porte la future taxe RSA, mais il n'est pas sans signification, même pour les ménages, de considérer la totalité de l'imposition sur le capital (les dividendes des sociétés dépendent par exemple du niveau de l'imposition sur leurs bénéfices).

Taux d'imposition implicites comparés de la France et de la moyenne de l'UE à 27
TII sur :la consommationle travaille capital
1996 2006 1996 2006 1996 2006
France 22,1 20,0 41,5 42,1 34,7 41,5
UE 27 21,1 22,1 35,7 34,8 24,6 29,0

Ce tableau montre :
- l'augmentation considérable sur 10 années du TII sur le capital
- l'écart non moins considérable (11,5 points !) entre cette imposition en France et celle existant dans l'UE ( la France est le 2ème pays le plus taxateur du capital, juste derrière l'Irlande).
- à titre de comparaison, la taxation de la consommation, inférieure en France à ce qu'elle est dans l'UE, et en diminution dans le temps.

2. On peut aussi se limiter aux chiffres de l'imposition portant sur la même assiette que la future taxe RSA, c'est-à-dire à l'imposition existant sur les seuls revenus du capital des ménages, par opposition cette fois au capital lui-même : Eurostat nous indique que la France est huitième sur 27, ce qui ne la place certainement pas dans les pays les moins taxés ! D'autant que cette taxation a augmenté de près de 40% au cours des dix dernières années.

3. Enfin, à côté de l'imposition spécifique sur les revenus, la France est solidement, et de très loin, accrochée à la première place des pays taxateurs de la détention du capital au sens strict de ce terme. Ceci est évidemment dû à l'ISF, mais pas seulement (taxes foncières par exemple).

La France est encore un des rares pays à imposer les plus-values sur l'épargne financière comme des revenus de la même origine. Les chiffres indiqués ne prennent d'ailleurs pas en compte l'augmentation de 16% à 18%, à partir des revenus 2008, du prélèvement forfaitaire sur les revenus et plus-values d'origine financière. Avec la CSG, créée en 1991 au taux de 1,1% contre 7,5% maintenant, et la CRDS, quasiment perennisée contrairement aux prévisions lors de sa création en 1996, la taxation des revenus en question atteint 29%, et devrait passer à 30,1% avec la taxe RSA.

Venant après une série de taxes dont le nombre et les différents taux ont considérablement augmenté depuis le début des années 1990, et qui place la France en tête des pays taxateurs, la nouvelle taxe RSA de 1,1% n'est certainement pas l'événement fiscalement anodin auquel les responsables politiques voudraient nous faire croire. Les réactions des Français le montrent d'ailleurs bien, à qui on ne saurait reprocher de craindre que cette taxe subisse la fameuse règle du cliquet. Comme la CSG ou bien d'autres.