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L'enterrement du CNE : qui paye les pompes funèbres ?

En deux petites lignes, le projet de loi sur la modernisation du marché du travail exécute ainsi le Contrat Nouvelles Embauches qui est censé avoir généré un million d'emplois depuis 2005 : « Les contrats nouvelles embauches conclus antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi sont requalifiés en contrats à durée indéterminée de droit commun. »

Combien il reste de ces contrats à la date d'aujourd'hui est une donnée inconnue, mais sûrement plusieurs centaines de milliers, ce qui va plonger les employeurs concernés dans la plus grande perplexité. Le Gouvernement aurait pu sans faire de vagues laisser les stocks de contrats se dégonfler jusqu'à disparition. Mais pas du tout, il a préféré une mesure autoritaire et systématique. Cela va-t-il inciter les employeurs (ceux qui seront avertis de ce qui se prépare) à licencier avant la date d'entrée en vigueur de la loi ?

Un licenciement avant cette entrée en vigueur serait juridiquement inopérant, rappelons-le haut et fort : d'ores et déjà, le CNE a été condamné par l'Organisation Internationale du Travail et certaines décisions judiciaires françaises, et les tribunaux , s'ils étaient saisis, procèderaient à la requalification en question avec les mêmes conséquences que si le licenciement avait lieu après l'entrée en vigueur de la loi. Un licenciement prononcé dans ces conditions serait sans cause réelle et sérieuse et donnerait droit à des indemnités de rupture abusive. Ce à quoi cette loi risque en revanche d'aboutir, est de créer un abcès de fixation et une multiplication de problèmes et de contentieux dans des situations qui auraient autrement pu se régler en douceur.

Et au bout du compte qui va payer les frais d'enterrement du CNE ? Forcément les centaines de milliers d'employeurs qui ont fait confiance à l'Etat et se voient retirer le tapis sous les pieds avec une brutalité aussi désinvolte qu'était mal préparée la loi créant ce contrat illégal. Ils croyaient avoir un contrat résiliable et se retrouvent avec un CDI. La future disposition imposant la requalification pourrait être une grosse ficelle juridique, particulièrement machiavélique, pour empêcher les employeurs de se retourner contre l'Etat responsable d'indemniser les victimes de ses actes illégaux : la requalification deviendrait un effet de la loi et non plus une conséquence de l'illégalité du CNE. Il faudrait alors conseiller aux employeurs de se dépêcher de licencier avant l'entrée en vigueur de la loi, pour pouvoir répercuter sur l'Etat les indemnités qu'ils auraient à verser à leurs salariés. Mais combien d'employeurs auront le temps, les crédits et l'intérêt pour se lancer dans une telle aventure devant le tribunal administratif ? La CGPME pourrait utilement se pencher sur la question de la responsabilité de l'Etat au lieu de se contenter apparemment de pousser des cris d'orfraie.