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Le statut de l'Assistance Publique (AP-HP) face à la réforme de l'hôpital

Jean-Luc Préel est député Nouveau Centre de Vendée, ancien de l'AP-HP (Assistance Publique-Hôpitaux de Paris), signataire de l'amendement 868 à la loi Bachelot qui met fin au statut dérogatoire de l'AP-HP. Propos recueillis par Agnès Verdier-Molinié

Vous avez déposé un amendement qui met l'AP-HP dans le giron de l'ARS (Agence régionale de santé) d'Île-de-France alors que, jusqu'à présent, l'ARH (Agence régionale d'hospitalisation) n'était pas compétente sur l'AP-HP. Cet amendement a fait beaucoup de bruit puisque plusieurs syndicats, dont FO, réclament le retrait de cette mesure du projet de loi Bachelot. Quel est l'intérêt, selon vous, de cet amendement ?

Jean-Luc Préel : Je suis en quelque sorte un « enfant de l'AP » puisque j'ai été chef de clinique et interne à l'AP au début de ma carrière de médecin. Depuis la réforme Juppé qui créait les ARH, j'avais avec plusieurs collègues demandé que l'AP-HP rentre dans le droit commun. Mais l'AP-HP avec l'appui de « grands élus » a obtenu de conserver ce statut dérogatoire.
Chaud partisan des ARS (même si la loi risque de les rendre inopérantes), je considère qu'il n'y a aucune raison valable pour que l'AP-HP conserve un régime dérogatoire. Qu'est-ce qui le justifie ? Cela n'a rien d'infamant d'être au même niveau que les autres hôpitaux ! Créer l'ARS d'Île-de-France en maintenant l'AP-HP en dehors revient à mettre en place une coquille vide.
Mon amendement avait été accueilli favorablement par le cabinet de Mme Bachelot mais, au dernier moment, celle-ci a indiqué qu'elle n'y était pas favorable. Cependant, il a été voté à la quasi-totalité des députés présents et Jean-Marie Le Guen, député PS de Paris et président suppléant du conseil d'administration de l'AP-HP, s'est momentanément absenté pendant le vote. Ce qui ne l'a pas empêché ensuite de dénoncer haut et fort cet amendement ! Officiellement, ceux qui se sont opposés à notre amendement ont évoqué le prestige de l'AP-HP, etc. Si Claude Evin prend la direction de l'ARS d'Île-de-France, comme cela pourrait être le cas, il ne peut que souhaiter que l'AP-HP relève de sa compétence.

Quel est le rôle spécifique de l'AP-HP qui pourrait expliquer que, jusqu'à présent, elle a bénéficié de ce statut dérogatoire par rapport à ses homologues CHU ?

JLP : L'AP-HP est pour moi un monstre hospitalier que Rose-Marie Van Lerberghe avait commencé à scinder en quatre Groupements hospitaliers universitaires (GHU), Nord, Est, Ouest et Sud. En réalité, le rôle des hôpitaux de l'AP est double. Ils ont un rôle d'hyperspécialisation et de recherche, mais 90% des actes qu'ils réalisent sont ce que j'appelle des « actes de proximité ». Les hôpitaux de l'AP ne sont donc pas dans leurs missions, très différents des autres hôpitaux. Pour défendre leur logique de rester en lien direct avec le ministère de la Santé sans passer par l'ARS, ils arguent d'une médecine de pointe supérieure aux autres hôpitaux.
Le budget de l'AP est énorme : les frais de personnel sont de plus de 70% et il me semble qu'ils ont plus de personnel que les autres CHU. Tout cela serait justement à vérifier et à contrôler par l'ARS d'Île-de-France. De plus, depuis la guerre, en raison de la résistance, ils sont exonérés de certaines charges sociales !

Au-delà de la question de l'AP-HP et de son statut dérogatoire se profile la question de la convergence des tarifs entre hôpitaux publics et privés. Cette convergence devrait être repoussée dans le PLFSS 2010 à 2018. Autant dire que c'est un recul majeur du gouvernement sur cette question centrale. Qu'en pensez-vous ?

JLP : Il me semble que les Français finiront par se lasser de payer par le reste à charge et la CSG plus cher dans les hôpitaux publics (37% de plus) que dans les hôpitaux ou cliniques privés des actes identiques. Dans un premier temps, il faudrait déjà imposer la convergence des tarifs entre hôpitaux publics, ce qui explique sans doute en partie la réticence de l'AP-HP à rentrer dans le giron de l'ARS, mais aussi la convergence entre les établissements privés, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Puis, évoluer vers la convergence public-privé pour des missions et des tâches identiques. Il faut cependant savoir que les honoraires des médecins du privé sont exclus de la TAA (tarifcation à l'activité), que les ratios de personnel et les rémunérations sont très différents dans le public et le privé. Et, se pose la vraie question, celle de la qualité des soins et de l'effcience.