Actualité

Le RSA, quelles justifications et limites ?

Mieux que rien pour réduire la grande pauvreté <br />mais ce sont des emplois qu'il faut

Le Revenu de Solidarité Active sous sa forme généralisée a fait son entrée le 1er juin, après une période d'expérimentation bâclée dont on ne peut guère tirer d'évaluations concluantes. C'est François Bourguignon lui-même, qui présidait le Comité d'évaluation, qui le dit.

L'idée à la base du RSA est louable : alors que toute personne retrouvant un emploi perd les allocations de RMI ou d'API (allocation de parent isolé) à due concurrence, et donc n'augmente en rien ses revenus d'activité, le RSA permet de conserver à hauteur de 62% l'avantage financier procuré par sa reprise d'activité. Par ailleurs, le RSA distribue des revenus plus importants à ceux qui se situent en-dessous du seuil de pauvreté et doit permettre à 700.000 personnes de passer ce seuil.

Dans la pratique le mécanisme est obscur et compliqué, sa mise en route laborieuse et il nécessite une organisation administrative assez considérable, surtout pour assurer l'accompagnement des attributaires vers l'emploi [1].

Il est aussi déroutant pour les bénéficiaires qui n'en comprennent pas bien le modèle économique et s'étonnent souvent du peu d'avantages qu'ils en retirent, surtout quand ils se rendent compte que, même s'ils conservent 62% de leur salaire, ils perdent quand même les fameux et si importants droits annexes aux minima sociaux (voir notre dossier sur les minima sociaux ).

Peut-être à cause de la conjoncture actuelle, le premier effet recherché du RSA, à savoir l'incitation à la reprise d'emploi, ne paraît guère obtenu, ce que semblent vouloir démontrer les résultats, même très partiels, de l'expérimentation (9% au maximum de surcroît de taux d'entrée dans l'emploi dans les zônes expérimentales par rapport au taux dans les zônes témoins).

Le second effet espéré, à savoir la réduction de la pauvreté, sera par définition au rendez-vous puisque le but premier du RSA est de distribuer du pouvoir d'achat.

Dans les faits, le RSA se révèlera être une aide notable pour deux catégories de personnes. Tout d'abord ceux qui sont dans la grande pauvreté, et dont les revenus sont nettement inférieurs au seuil de pauvreté (880 euros pour une personne seule). Ainsi une personne isolée travaillant à quart-temps (soit 257 euros nets sur la base du Smic) recevra 296 euros mensuels au titre du RSA. Ou encore un couple sans enfant dont un membre seulement (« couple monoactif ») travaille à mi-temps en étant rémunéré au Smic (514 euros nets), recevra 369 euros mensuels, ce qui est loin d'être négligeable.

L'autre catégorie nettement bénéficiaire est celle des couples avec enfants, car le RSA fonctionne en fait comme une super allocation familiale. Ainsi un couple monoactif avec deux enfants, même si le salaire de la personne travaillant est égale au Smic (1028 euros nets), recevra 297 euros, soit un avantage de presque 30%. Ces deux catégories relèvent d'hypothèses différentes et démontrent que le droit à l'assistance, tel que l'a voulu le gouvernement, doit s'apprécier en fonction, non pas seulement de l'individu et de ses revenus d'activité, mais des revenus globaux dont dispose la structure de la cellule familiale dont il fait partie. C'est un point de vue assez original et qui donne à chacun en fonction de ses besoins.

Ces exemples sont donnés par l'administration qui les a soigneusement choisis. Il faut bien comprendre que le RSA n'a pas pour objet, et c'est normal, de satisfaire les revendications d'assistance de personnes estimant ne pas gagner assez [2]. Le RSA n'est pas fait pour eux. A ce sujet on ne saurait retenir les critiques syndicales, particulièrement celles émises par la CGT, selon lesquelles le RSA serait un exemple de « solidarité dévoyée », et favoriserait en réalité les employeurs en les incitant à développer temps partiel et bas salaires. Cette critique rejoint la revendication quasiment unique mais hors de propos des syndicats qui porte sur une augmentation du Smic [3]. Les syndicats s'occupent des bas salaires, le RSA concerne les pauvres. Ce ne sont pas deux préoccupations identiques.

Il faut être clair. La réduction de la grande pauvreté constitue la justification, voire la seule, mais aussi la limite d'une mesure comme le RSA. On ne peut être que sceptique sur l'effet d'incitation au retour au travail que cette mesure pourra démontrer. D'un autre côté l'assistance a atteint ses limites en France [4], et le mérite du RSA est de mieux cibler ses bénéficiaires (ce qu'ont fait avant lui les mesures d'impôt négatif prises aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni). Mais cette assistance ne doit pas dépasser les bornes de la réduction de la pauvreté, au risque de favoriser les revendications des titulaires des bas salaires qui estiment par comparaison ne pas recevoir une compensation proportionnée de leur travail à plein temps. Par ailleurs le RSA vient encore augmenter la part de l'Etat dans la prise en charge des basses rémunérations, et il faut stopper la machine.

Comme l'augmentation du Smic n'est pas la solution, le salut ne peut provenir que de l'augmentation des emplois et de la richesse nationale.

[1] Pour comble de malchance, la simulation des droits en fonction des cas individuels, que le site rsa.gouv est censé fournir, renvoie à une page inexistante…

[2] Ainsi du témoignage d'une personne isolée gagnant 622 euros et recevant par ailleurs 139 euros au titre de l'APL ne recevra qu'un complément de 25 euros au titre du RSA : elle ne saurait prétendre que le RSA est « une plaisanterie » comme elle l'affirme sur le site gouvernemental, sauf à ce que le RSA devienne une assistance tous azimuts.

[3] Le collège d'experts économiques nommés par le gouvernement vient d'ailleurs de recommander à l'unanimité de ne pas donner de « coup de pouce » au Smic, qui est, relativement au pouvoir d'achat national, le plus élevé des pays européens et dont la hausse serait préjudiciable à l'emploi

[4] Soulignons que, au-dessus de 500 euros de revenus d'activité, les bénéficiaires du RSA ne sont tenus à aucune obligation d'accompagnement, ce qui signifie que la prestation fournie n'a aucune contrepartie relative à la recherche d'un emploi.