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Le financement des "gazelles" - Réponse des intervenants

Colloque "Mettre l'emploi au coeur de la campagne"

En France, il y a dix fois moins de business angels qu'en Angleterre et vingt-cinq fois moins qu'aux États-Unis, et ma question est la suivante : Quelles mesures concrètes pourriez-vous mettre en œuvre pour passer le nombre de business angels de 4 000 à 40 000 en France ?

Hervé Morin - Que la vie politique soit trop dans les mains de la fonction publique est une évidence, c'est la raison pour laquelle nous militons pour deux idées simples : l'obligation de démissionner pour tout fonctionnaire qui décide de faire de la politique ; la limitation du cumul des mandats dans le temps, c'est-à-dire au maximum trois mandats successifs pour permettre une oxygénation de la vie politique. Par ailleurs, un chef d'entreprise qui décide de s'engager en politique doit accepter également l'idée de gagner nettement moins d'argent.

Pour les business angels, certes, on peut prévoir une mesure fiscale comme un crédit d'impôt très important attaché au financement de la création d'entreprise, mais je vous ferai observer que cela nécessite de revoir totalement le système d'imposition sur le revenu qui compte déjà beaucoup trop de niches. Contrairement à ce que l'on nous raconte en permanence, le taux d'imposition moyen sur le revenu est relativement faible compte tenu du niveau des niches, puisque cela représente 40 à 45 milliards d'euros. Donc, une mesure fiscale tout à fait spécifique pour favoriser le développement de ces entreprises peut être envisagée, mais à la condition de remettre à plat l'ensemble des niches fiscales diverses et variées qui font que pour l'instant, le système est totalement opaque.

Pierre Méhaignerie - Sur la question de Thomas Legrain, il est vrai qu'entre le démarrage d'une entreprise et le capital-risque, il manque un maillon : le soutien par des business angels. La proposition qui est faite par Nicolas SARKOZY de pouvoir déduire de l'ISF 50 000 euros a le mérite de la simplicité, de l'efficacité, et je suis sûr qu'elle peut changer la donne pour les business angels. C'est pourquoi je la soutiens totalement du fait de sa simplicité.

Il est vrai qu'à la commission des finances, nous avons tout fait pour limiter le nombre de niches fiscales, mais je sais personnellement où les réduire de façon à se concentrer sur l'objectif qui nous a été donné : la création d'emplois, la création de richesses, parce que l'injustice majeure aujourd'hui, est à l'égard de celui qui n'a pas d'emploi.

Patrick Louis - La remarque de M. Morin sur le cumul des mandats est technocratique, pour moi, seul le cumul des rémunérations est à interdire. Sur la question des business angels, je pense déjà qu'il y a moins de grandes fortunes en France qu'en Angleterre et qu'aux États-Unis, et seuls ceux qui ont un certain capital peuvent investir dans les business angels. La seule façon de faire revenir les grandes fortunes en France est de supprimer l'ISF que je considère comme un impôt tout à fait antiéconomique.

Par ailleurs, il faut bien distinguer l'épargne des fonds de pension qui sont dans une logique de court terme et l'épargne qui provient des propriétaires. Je pense qu'il faut valider l'épargne et l'investissement du propriétaire-chef d'entreprise par rapport à l'épargne un peu vagabonde des fonds de pension – il ne s'agit pas d'une critique des fonds de pension – et de leur permettre de déduire leur perte en capital de leur imposition sur les revenus du capital. Il y a, à mon avis, quelque chose à faire dans ce domaine et, d'une manière générale, veiller à ce que l'épargne qui est importante en France et qui va systématiquement vers des placements sécuritaires, et surtout vers des OAT ou autres, ait fiscalement un avantage à aller vers le capital-risque. Il conviendrait aussi de développer l'épargne de proximité en avantageant l'épargne dans une entreprise géographiquement proche du lieu où se trouve la source de l'épargne.

Éric Besson - Je pense avoir répondu en partie à la question en parlant précédemment de l'environnement de la création d'entreprise, aussi je redirai simplement qu'en création pure d'entreprise, nous avons fait beaucoup de progrès, que les grandes entreprises sont bien aidées et qu'il me semble qu'il faut accroître tout ce qui est soutien au développement des PME-PMI. Cela peut passer par des fonds régionaux de proximité ou par d'autres initiatives qui viennent d'être évoquées par mes collègues.

De gros efforts doivent être portés sur la protection sociale de l'entrepreneur – quelques améliorations ont été apportées, mais nous sommes encore en deçà de ce qui peut exister dans d'autres pays européens. Efforts également pour que les banques commerciales participent davantage à la création et au développement d'entreprises. Enfin, il faut rendre plus lisibles et plus utilisables les dispositifs d'aide existants.

Cet article fait partie du colloque Mettre l'emploi au cœur de la campagne