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La réforme de l'Hôpital public menée par Roselyne Bachelot

Réponse de l'iFRAP à l'appel des 25 professeurs de médecine

"Ce n'est pas le directeur de l'hôpital qui va faire la tournée des malades et organiser nos services !". Ce cri du cœur comme le manifeste des 25 Professeurs de médecine des Hôpitaux de Paris paru dans Le Nouvel Observateur et leurs commentaires dans les medias montre combien il est urgent d'appliquer la réforme des hôpitaux contenue dans la loi Bachelot.

D'après ces signataires, les pouvoirs qui vont être attribués aux directeurs d'hôpitaux conduiront ces établissements à se désintéresser des malades, de la recherche et de leur personnel au profit de la rentabilité. Si ces 25 médecins sont très compétents et très dévoués, ils ne semblent pas avoir une claire vision du rôle d'un directeur, qu'il soit d'entreprise, d'université, d'institution culturelle, d'organisme international, d'ONG ou d'hôpital.

Le but d'un directeur, comme celui de tout responsable vraiment responsable, c'est que sa structure soit reconnue et attire, selon les cas, des clients, spectateurs, malades ou étudiants. Et dans le domaine de la santé, cet aspect va précisément devenir essentiel avec les évaluations systématiques qui vont être réalisées par des organismes officiels et seront rendues publiques.
Les directeurs savent par ailleurs que pour atteindre leurs objectifs, ils doivent recruter et retenir de très bons professionnels et donc leur fournir un environnement de travail intéressant et motivant. Bien sûr, leur rôle est aussi de rassembler leurs équipes autour d'une stratégie commune et d'arbitrer entre les multiples souhaits de leurs différents services tout en respectant des contraintes économiques inévitables. Mais le directeur ne peut pas être le meilleur spécialiste des multiples domaines d'activité de son établissement. On est loin du super surveillant général que semblent craindre les 25 signataires !

Les directeurs d'hôpitaux avaient-ils, jusqu'à présent, les moyens et la capacité de remplir tous ces rôles ? En général, non. Le mécontentement chronique des personnels des hôpitaux, la fuite des malades vers les cliniques privées et vers certains hôpitaux, les surcoûts des soins même classiques dans la plupart des hôpitaux, la sous-utilisation fréquente des moyens et les déficits montrent qu'il y a quelque chose qui fonctionne mal dans ces grands organismes. Il faut bien le constater, dans toutes les structures qui fonctionnent bien, il y a un directeur responsable à la tête.

Un directoire très pluraliste

Le manifeste des 25 est d'autant plus décevant que le directoire qui va être mis en place dans les hôpitaux publics fait une place majoritaire aux médecins et aux personnels médicaux. Sous la pression des intéressés, le seul Vice-président du directoire est obligatoirement le Président de la Commission Médicale d'Etablissement (CME), non pas nommé par le directeur mais élu par ses pairs. Le profil de ce membre éminent de la direction risque d'être une sorte de délégué syndical des médecins plus qu'un manager de l'établissement. Le Président de la Commission des Soins Infirmiers, de Rééducation et Médico-techniques fait aussi obligatoirement partie du directoire et sa situation ambiguë soulève les mêmes doutes. Une sérieuse entorse au pouvoir du directeur. On imagine mal le directeur adjoint d'Air France élu par les pilotes, ou celui de l'Opéra de Paris par les musiciens.

Les amendements déposés par les députés ont eu tendance à aggraver la situation en poussant à l'inflation du nombre de membres du directoire. On est passé de 5/7 membres à 7/9 membres, un nombre excessif pour une direction efficace. Certains proposaient même 11 membres pour satisfaire tous les corporatismes de l'hôpital.

Article de la loi "Hôpital, patients, santé et territoires"
votée par l'Assemblée et transmise au Sénat le 9 avril 2009

« Art. L. 6143-7-4. – Le directoire est composé par des membres de l'équipe de direction et du corps médical de l'établissement, dans la limite de sept à neuf membres, dont son président et son vice-président.. Les autres membres du directoire sont nommés par le président du directoire de l'établissement, conjointement avec le président de la commission médicale d'établissement pour les membres du personnel médical, pharmaceutique et odontologique, dont la moitié au moins est constituée de chefs de pôles. Il peut être mis fin à leurs fonctions par le président du directoire, après information du conseil de surveillance et avis du président de la commission médicale d'établissement pour les membres du personnel médical, pharmaceutique et odontologique. « Dans les centres hospitaliers universitaires mentionnés à l'article L. 6141-2, le directeur de l'unité de formation et de recherche médicale ou le président du comité de coordination de l'enseignement médical fait partie du directoire.

Faute de pouvoir nier la réalité des problèmes de l'hôpital, le texte des 25 se termine par 4 retentissants IL FAUT traitant de tous les sujets (organisation, métiers, personnels, qualité, financement, prévention, recherche …) qui sonnent comme autant de YAKA puisque ce manifeste ne propose aucune méthode pour faire évoluer le système.

Depuis 5 ans, toutes les enquêtes menées par l'iFRAP sur la Réforme de l'Hôpital, tous les témoignages que nous avons recueillis concluaient au renforcement indispensable des pouvoirs du directeur et à l'ouverture de son recrutement à des profils plus variés : médecins ou autres personnels de santé, ingénieurs, gestionnaires, sociologues, philosophes, chefs d'entreprises, fonctionnaires ou autres, mais à condition qu'ils soient de vrais managers. Si la loi ne leur donne pas de vrais pouvoirs, il sera impossible de recruter des directeurs de qualité.

L'appel des 25 est intitulé "Contre la mort de l'hôpital public". En réalité, la mort de l'hôpital public sera certaine si le management de ces établissements reste dans le flou actuel. Les cliniques privées et les hôpitaux mutualistes continueront à prendre des parts de marché. Les malades étrangers solvables à aller se faire soigner ailleurs, dans les pays développés et, de plus en plus, dans les pays en voie de développement. Et quand l'Assurance Maladie, ou les assurances maladie, se décideront enfin à recommander à leurs assurés les établissements en fonction de leur rapport qualité/prix, la lente dégradation des hôpitaux publics se transformera en chute très rapide.

Madame la Ministre Roselyne Bachelot, vous avez dit qu'au Sénat vous alliez continuer à écouter tout le monde. C'est tout à votre honneur. Mais, sur l'essentiel, ne cédez plus rien. A l'hôpital, il existe des personnes et des services entiers extraordinaires, compétents, efficaces et motivés, mais, en moyenne, les hôpitaux ont besoin d'être gérés par de vrais responsables. Brandir les éternels étendards de la «  médecine mercantile » ou de la «  pensée marchande » ne sont qu'effets de manches de ceux qui ne veulent pas voir l'hôpital public bien géré, voire pire, dépenser moins.