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« La reconnaissance du plancher de 39 heures… est un accord historique »

Vive les 35 heures ? Non, vous avez bien lu, il s’agit bien des 39 heures et non des 35 heures. Qui a prononcé cette phrase…historique ? Serait-ce Pierre Mauroy en 1982 lors de l’instauration conjointe des 39 heures et de la cinquième semaine de congés payés ? Non, c’est tout récent et c’est Patrick Pelloux, le président de l’AMUF (Association des médecins urgentistes de France), le 23 décembre 2014, trente deux ans plus tard …et quinze années après l’instauration des 35 heures.

Les 35 heures à l’hôpital sont un vague souvenir, surtout pour les urgentistes qui avaient entamé le 22 décembre dernier une grève censée être illimitée parce qu’ils en avaient « assez de travailler 60 heures voire plus ». Ils demandaient le respect de la législation européenne (48 heures maximum), la rémunération des heures supplémentaires au-delà de 35 heures, et l’harmonisation des rémunérations (les médecins universitaires perçoivent 200 euros de plus que les praticiens hospitaliers et les revenus des gardes, aussi étonnant qu’il puisse paraître, sont défiscalisés).

Les urgentistes n’ont pas eu besoin d’attendre plus de 24 heures pour obtenir satisfaction sur le premier point – pour l’harmonisation, il faudra attendre, car cela aurait coûté trop cher, a reconnu Patrick Pelloux : « Même si on n’a pas tout obtenu, il nous semble que la reconnaissance du plancher de 39 heures et le déclenchement des heures supplémentaires à partir de ce plancher est un accord historique. Nous n’avons pas eu de progrès social depuis quatorze ans ».

C’est que Marisol Touraine – la même qui actuellement continue à ignorer superbement les contraintes budgétaires avec la mesure idéologique d’assistanat que constitue le tiers payant pour tous – s’est dépêchée d’éteindre le feu, quel qu’en soit le coût, et de remettre le couvercle sur la marmite des 35 heures.

Une insoutenable cacophonie

Lionel Jospin avait bien raison de mettre en garde que les 35 heures n’étaient pas financièrement supportables pour les finances publiques, et pourtant en 2000 ces finances n’étaient pas dans l’état d’aujourd’hui. Il a seulement eu l’inconscience étonnante de croire qu’il éviterait de les appliquer au secteur public. Et voici que maintenant les urgentistes applaudissent comme historique un accord qui leur permet de recevoir paiement de leurs heures supplémentaires au-delà de 39 heures, plutôt que de s’en tenir à leurs 35 heures statutaires au risque (vérifié) de n’être dans les faits jamais payés pour les heures qu’ils effectuent entre 35 et 60 !

En même temps Frédéric Valletoux, président de la FHP (Fédération Hospitalière de France), qui regroupe la quasi intégralité des établissements publics de soins, reproche à la ministre d’avoir « lâché » face aux urgentistes : «Ces mesures catégorielles sur le temps de travail… vont aboutir à un coût supplémentaire pour l’hôpital de près de 90 millions d’euros.» Ces charges, «il faut les rapporter aux 400 millions de déficit de l’hôpital». «Ce n’est pas en donnant raison aux uns et aux autres, aux demandes catégorielles, qu’on en sortira », précise-t-il. Car il y a effectivement d’autres mesures catégorielles, comme celles relevées par les urgentistes : médecins universitaires mieux payés que les praticiens hospitaliers, heures de garde défiscalisées dans certaines zones.

Toujours est-il que l’on considère comme une faveur « catégorielle » de recevoir paiement d’un travail effectué conformément à une loi sur le temps de travail qui n’a plus cours depuis quinze ans. Et que même cette faveur, correspondant à un retour aux 39 heures, ne serait pas, selon le président de la FHF, financièrement soutenable compte tenu de l’état de nos finances publiques. En poussant le raisonnement, on pourrait penser que ce ne serait même pas la peine dans ces conditions de revenir aux 39 heures !

Comment sortir de cette situation ?

Le propos du président de la FHF se comprend : on ne peut pas prendre une mesure qui ne s’applique qu’à une catégorie de personnel. Outre une évidente rupture d’égalité, elle aboutit à creuser encore le déficit avec le risque qu’il faille « lâcher » pour toutes les catégories les unes après les autres.

La situation des hôpitaux impose encore plus que dans le secteur privé d’en revenir aux 39 heures pour tous. Mais les employeurs, tant publics que privés, sont pris dans la nasse de l’inévitable augmentation des coûts qui correspondraient à un régime de 39 heures payées 39, du moins dans les cas où l’adaptation ne pourrait pas se faire par la gestion des effectifs. Le problème ne peut donc être résolu que par un lissage des augmentations de salaires dans le temps. Un compromis dans lequel, en contrepartie d’une augmentation de 4 heures de travail par semaine, les salariés percevraient une rémunération supérieure à celle qu’ils perçoivent à l’heure actuelle, mais ne devenant égale qu’à terme à celle correspondant à une augmentation de 11%.