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La définition du seuil de pauvreté

Entre casse-tête et aberration

Il existe plusieurs façons de définir le seuil de pauvreté. Les Etats-Unis en donnent une définition absolue, à partir d'un certain panier de biens que l'individu ou le ménage peuvent ou non se procurer. Les instituts européens (Eurostat), nationaux tels que l'INSEE en France, ainsi que l'OCDE, utilisent quant à eux une notion relative, déterminée par rapport au revenu médian (celui qui divise la population elle-même en deux parties numériquement égales). Là encore, ce rapport au revenu médian est en général 50%, mais aussi quelquefois 60%, ce qui change beaucoup les résultats. Enfin le sujet de l'analyse peut être soit l'individu soit le ménage. C'est la notion de ménage qui est la plus significative : un enfant n'est pauvre que parce qu'il dépend d'un ménage qui l'est. Définition casse-tête, celle du seuil de pauvreté peut aussi conduire à des aberrations d'interprétation.

Le tableau ci-dessous est établi à partir de la définition du seuil de pauvreté utilisée pour les comparaisons internationales par l'OCDE ainsi que par les travaux de Martin Hirsch sur le RSA (soit 60% du revenu médian, la première personne comptant pour 1, le second adulte pour 0,5 et chaque enfant pour 0,3).

Ecart entre le revenu disponible individuel mensuel correspondant au seuil de pauvreté et le Smic ou le revenu médian, selon le type de ménage, et nombre de personnes concernées.
Type de ménage Ecart Smic/ seuil de pauvreté Ecart revenu médian/seuil de pauvreté Nombre de personnes concernées
Personnes seules +187 +545 527.000
Familles monoparentales 1.161.000
Enfant de moins de 14 ans -58 +300
Enfant de plus de 14 ans -222 +136
Couple sans enfant -222 +136 1.750.000
Couple avec
Enfant de moins de 14 ans -467 -109
Enfant de plus de 14 ans -630 -268
Couple avec 2 enfants de plus de 14 ans -1.039 -681
Source : INSEE
en euros, chiffres 2007, seuil de pauvreté à 60% du revenu médian
Lecture : En considérant les ménages ne comprenant qu'un seul actif, le Smic comme seul revenu ne permet pas à ces ménages (sauf aux personnes seules) de passer le seuil de pauvreté, et le revenu médian ne le permet pas davantage pour les ménages composés d'un couple avec un enfant ou plus. Environ 3 millions de personnes au-dessous de 65 ans sont concernées.

Comme le relève notre article sur l'augmentation du nombre de pauvres en France, le calcul du seuil de pauvreté à partir du revenu médian conduit paradoxalement à augmenter le nombre de pauvres lorsqu'on augmente le Smic. Ce même calcul conduit plus généralement à augmenter le nombre des pauvres lorsque celui des riches s'accroît : le seuil de pauvreté est en fait une mesure des inégalités. Dès lors, sauf à réduire notablement l'écart entre les revenus, déjà faible pour les revenus du travail au niveau médian, il s'agit d'une course sans fin.

En réalité, on aurait tort de passer sous silence le fait que la pauvreté a beaucoup reculé en France sur le moyen terme, même si on constate une certaine tendance récente à la stabilisation.

Autres considérations à ne pas perdre de vue : ne pas confondre bas revenus du travail et pauvreté. La pauvreté touche essentiellement les personnes sans travail, et particulièrement les chômeurs, mais aussi les travailleurs à temps partiel subi. Des raisons démographiques ont aussi une grande importance, comme l'augmentation forte et récente des ménages monoparentaux. Enfin, les statistiques de la pauvreté sont établies par l'INSEE sur la base d'enquêtes « revenus fiscaux ». Leur fiabilité est-elle à toute épreuve ?