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Indemnités de licenciement : le droit du travail court-circuité

Les inégalités entre petites et grandes entreprises

La crise, dans le secteur automobile particulièrement, provoque de nombreuses défaillances de sous-traitants. Il s'agit souvent de petites sociétés dont le sort est réglé sans que les échos en parviennent jusqu'aux médias. Les licenciements qui surviennent à la suite de ces défaillances sont réglées dans le cadre légal, et les salariés concernés, tout au plus quelques dizaines, ne reçoivent que les indemnités de licenciement prévues par les conventions collectives. Dans le secteur de la métallurgie, ces indemnités sont égales à un tiers de mois par année de présence, autrement dit les montants sont extrêmement faibles.

Tout autre est la situation des grandes entreprises, atteintes elles aussi par la crise, mais la plupart du temps multinationales et capables de s'adapter en répartissant leurs fabrications au mieux dans les différents pays, et en délocalisant quand cela est nécessaire. Mais les syndicats sont présents, plusieurs centaines de salariés sont concernés, la médiatisation est forte, et comme les entreprises ne tombent pas en faillite, les indemnités sont déterminées à la suite de parties de bras de fer où les employeurs se retrouvent contraints de négocier dans des conditions difficiles.

En effet, le droit français n'admet pas la validité des licenciements causés par des réorganisations dont le but est de maintenir les profits. D'autre part, la viabilité d'une branche d'activité doit, pour la Cour de Cassation, s'apprécier au niveau de cette branche indépendamment des autres branches.

Ces réorganisations se déroulent ainsi en-dehors du cadre légal des licenciements collectifs pour cause économique, et se règlent, le plus souvent, dans le cadre de départs volontaires, par des négociations où les syndicats jouent de tout, dans la plus parfaite illégalité, pour forcer la décision : depuis plusieurs années sont ainsi apparues les menaces sur l'environnement (pollution des rivières), sur l'outil de travail, sur les stocks, ou encore les séquestrations.

L'avant-dernier exemple est celui de la fermeture d'une unité de production de Sony qui s'est réglé à la suite d'une séquestration, dans des conditions n'ayant absolument rien de comparable à celles prévues par la loi : une indemnité minimum de 45.000 euros, soit l'équivalent de presque trois années de salaire au Smic brut (sinon un fixe de 10.000 euros plus un mois de salaire par année d'ancienneté), à laquelle s'ajoutent divers autres avantages particuliers.

Le dernier exemple [1] est celui de Continental, qui risque de devenir emblématique.
Ce groupe allemand, en perte, veut fermer une usine en France de plus de 1.100 salariés, qui fabrique 8 millions de pneus alors qu'il estime être en surcapacité de 15 millions par an.

La position du groupe est très délicate, du fait du nombre de salariés concernés (un record), de la promesse faite récemment de maintenir l'activité en contrepartie d'un retour aux 40 heures, de l'intransigeance affichée par le groupe, de la modicité de ses propositions (un doublement de l'indemnité légale), de l'implication des deux chefs d'Etat allemand et français (mais Mme Merckel a prévenu que Continental fermait aussi sans contestation son usine de Hanovre), de l'importance des stocks présents dans l'entreprise, et enfin de l'absence d'une justification pour la fermeture qui soit légalement admissible en droit français (l'unité française n'est pas en perte) comme l'a rappelé Luc Chatel.

L'affaire est à suivre attentivement. Elle est importante pour la crédibilité du gouvernement français et celle du droit français, ainsi que pour les relations franco-allemandes. Il faut s'attendre à ce qu'elle se dénoue par des indemnités très lourdes pour Continental.

Dans le cas d'Arena, qui s'est conclu dans un cadre judiciaire, les tribunaux ont accordé des indemnités de 50.000 euros, voisines de celles que Sony a accepté de payer dans un cadre amiable.

- Va-t-on vers la reconnaissance de fait d'indemnités équivalentes à trois années de salaire ?

- Jusqu'à quand les entreprises pourront-elles supporter de payer de telles indemnités ?

- Jusqu'à quand les situations pourront-elles se régler dans de telles conditions d'inégalité pour les salariés suivant qu'il s'agisse de grands groupes ou de PME, dans la mesure où les salariés de ces PME ne peuvent évidemment pas espérer percevoir autant, ni par négociation ni dans le cadre d'une faillite ?

[1] Il n'y a pas d'amalgame à faire avec l'annonce de Total, qui ne doit pas se traduire par des licenciements, d'autant plus que Total va réaliser un milliard d'euros d'investissements en France avec plusieurs milliers de créations d'emplois à la clé.