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« Il faudra plus d'ambition pour que l'épargne des Français irrigue massivement nos PME »

Tous les mercredis, avant le Conseil des ministres, Le Macronomètre, l'observatoire des réformes du gouvernement lancé par la Fondation iFRAP, attribue une note aux réformes d'Emmanuel Macron. La note de la semaine du Macronomètre est présentée dans le Figaro. Cette semaine : 5/10 sur les mesures de la Loi Pacte pour diriger l'épargne des Français vers le financement des PME.

L'appel à diriger l'épargne des Français vers le financement des PME est un véritable serpent de mer de la politique économique de ces vingt dernières années. Mais les responsables ont toujours privilégié l'intermédiation en passant par les assurances et les banques. Avec, au final, des mesures incapables de faire grandir nos start-up pour ensuite les transformer en ETI. Nos PME, quant à elles, restent encore trop peu financées au démarrage et ont du mal à grandir.

Partant de ce constat, le « Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises » (projet de loi Pacte) comprend plusieurs mesures en faveur de la création d'entreprises et de leur financement. Il prévoit notamment de passer à une plateforme unique pour la création d'entreprise, d'élargir les conditions d'accès au plan d'épargne en actions destiné au financement des PME et ETI (appelé «PEA-PME») et de renforcer la contribution de l'assurance-vie au financement de nos entreprises en modifiant la réglementation des fonds eurocroissance.

Seules 7% des entreprises créées sont employeuses

Si l'on regarde les statistiques de l'Insee, la création d'entreprises en France se porte officiellement bien : 591.000 créations en 2017, le plus haut chiffre depuis 2010. Mais ce chiffre optimiste doit être tempéré : hors micro-entrepreneurs (242.000), seules 7% des entreprises créées sont employeuses (à peine 25.000) et elles ne comptent que 2,6 salariés en moyenne au démarrage. Un constat qui se confirme aussi au niveau européen : le taux de création d'entreprises en France est de 11,3% tandis qu'il est de 15,7% au Royaume-Uni et seulement de 6,5% en Allemagne. Mais le classement est plus modeste en termes de personnes occupées dans les entreprises créées : 785.000 au Royaume-Uni, 313.000 en Allemagne et 365.000 en France.

La plateforme unique qui vient remplacer les 7 réseaux de centres de formalités des entreprises est la bienvenue. Elle devrait être opérationnelle en 2021 et permettre d'effectuer en ligne les démarches auprès de la chambre de commerce, du greffe du tribunal de commerce, des Urssaf… On peut, cela dit, se demander si les mesures de la loi Pacte auront également un impact sur le nombre des organismes représentatifs des entreprises (chambres de commerce et d'industrie, des métiers, d‘agriculture, greffes des tribunaux de commerce, etc.).

Les mesures concernant le financement appellent plus de commentaires : il s'agit du renforcement du PEA-PME et des fonds eurocroissance. L'objectif est de doubler les financements en direction des PME et de passer de 5 à 10 milliards d'euros. En pratique, pour le PEA-PME il s'agit d'ouvrir le produit aux titres des plateformes de financement participatif, et pour les fonds eurocroissance de moderniser le dispositif pour en simplifier la gestion. Ces instruments financiers mis en place sous le précédent quinquennat n'ont pas connu le succès escompté. Pour le PEA-PME, avec 1,17 milliard, c'est surtout dû au fait que l'avantage fiscal n'est pas plus important que pour un PEA classique alors que l'investissement est plus risqué. Dans le cas des fonds eurocroissance (0,11% du total de l'assurance vie…), c'est la complexité des produits dans un contexte de renforcement du devoir de conseil des assureurs et les taux bas qui ont constitué des obstacles.

Des effets incertains

Difficile de dire si les mesures du gouvernement défendues dans la loi Pacte seront vraiment suffisantes pour aider au financement de la croissance des entreprises en création et en développement. À ce stade, le financement des entreprises est une démarche risquée qui reste un repoussoir pour les banques et les assurances qui ont du mal à diriger leurs clients vers ce type de placements.

On peut regretter que la loi Pacte n'ait pas pris l'engagement de renforcer le financement direct en amorçage alors qu'avec la fin de l'ISF-PME, les incitations à l'entrée ont quasiment disparu. Le dispositif IR-PME reste par exemple très limité par le plafond global des niches. On vient d'apprendre, grâce au rapport d'information sur l'application des mesures fiscales des députés Joël Giraud et Cendra Motin, que le relèvement du plafond de déduction de l'IR-PME de 18 à 25% voté dans le cadre du budget 2018 n'a pas été mis en œuvre, dans l'attente de la réponse de la Commission européenne (validité par rapport à la réglementation sur les aides d'État). Une incertitude qui pénalise les investisseurs à laquelle s'ajoute pour 2019 l'inconnue du traitement des crédits d'impôt avec le prélèvement à la source. Autrement dit, il n'y aura eu en 2018 aucune incitation fiscale à l'investissement dans les entreprises par investissement direct.

Il faudra plus d'ambition pour que l'épargne des Français irrigue massivement nos PME. Il sera encore temps dans le débat parlementaire du budget 2019 mais aussi de la loi Pacte de revenir sur le sujet crucial du renforcement de l'investissement direct des Français vers nos TPE, nos start-up et nos PME, même si, on le comprend, Bercy préfère toujours faire des chèques en bois avec des incitations fiscales à la sortie plutôt que de vrais chèques avec des incitations à l'entrée. C'est pourtant ce qui marche au Royaume-Uni avec une incitation pour investir, pour un couple en direct, jusqu'à 1 million de livres déductible à 30% de l'impôt sur le revenu…