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Il est trop tard pour recréer une Mittelstand manufacturière

En fait l'exemple de la Mittelstand repose seulement sur le volume des exportations des PME allemandes, nettement plus élevé que celui des françaises. Mais il est un peu tard pour s'en apercevoir : cela fait plus de trente ans que nous avons perdu la partie dans la fabrication et l'exportation de produits de bonne technologie, car au même moment où l'Etat, à coup de subventions massives et au rendement économique contestable développait les filières nucléaires et spatiales qui restent encore dans l'héritage, il faisait tout pour détruire notre industrie manufacturière : en nationalisant la formation des apprentis, ce réservoir de main-d'œuvre ultra qualifiée dont aucune industrie manufacturière ne peut se passer, et en nous amenant au point où une éducation nationale produit 300.000 apprentis, mal formés, là où les Allemands en produisent 1 million, formés là où ils doivent être formés : dans l'entreprise ; deuxièmement, en transformant le programme des Ecoles des Arts-et-Métiers en une copie de celui de Polytechnique, pour produire de futurs dirigeants d'entreprises, ces praticiens qui avaient fait la force de notre industrie manufacturière. Enfin, cerise sur le gâteau, en faisant subventionner à tour de bras, d'abord par la DGRST puis par l'ANVAR, des plans conçus par de grands esprits mais qui ont détourné des vrais enjeux, que seuls les industriels exposés au feu de la concurrence peuvent imaginer, le maigre potentiel de ressources de recherche dont nous disposions encore.

La noyade de l'industrie mécanique française a été profondément ressentie par le signataire de ces lignes qui a reçu le prix Giffard pour sa contribution au rayonnement de la mécanique française à l'étranger et a pu voir à travers ses licenciés aux USA et au Japon et ses quelques contacts avec l'industrie allemande comment on fait sombrer des industries entières lorsque l'Etat intervient et laisse la stratégie de l'économie à ses plus brillants hauts fonctionnaires. Mais la conclusion est claire : il est trop tard pour jamais faire revivre une Mittelstand qui puisse de près ou de loin jouer le rôle de l'allemande ou de la japonaise.

Un exemple permettra de faire comprendre l'immensité de l'obstacle. L'un des points clés d'une machine outil sont ses glissières sur lesquelles se déplacent, soit la table sur laquelle est fixée la pièce à usiner soit la tête d'usinage. La précision de ces glissières, la perfection du plan qu'elles définissent, conditionnent la qualité de la machine. Simple dira-t-on, il suffit de rectifier ces surfaces de glissement. Mais, voilà, une surface rectifiée ne laisse pas passer l'huile entre les surfaces en frottement ; c'est pourquoi il faut finir ces surfaces avec l'antique technique manuelle des grattoirs à main, les irrégularités créées par le grattoir permettant à l'huile de s'accrocher. Mais un ouvrier capable de gratter une glissière ou une table avec une précision inférieure au centième de millimètre, c'est au moins 10 ans d'expérience. Ceux que j'ai vus travailler au Japon étaient considérés comme l'aristocratie des salariés, et leurs employeurs ne les auraient pas laissé partir pour tout l'or du monde.

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