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Grèves : Réformer le service minimum pour le rendre efficace

Depuis la fermeture de la gare Saint Lazare pour cause de grève et ce malgré le service minimum voté en 2007, la question de la réforme nécessaire de cette loi est sur la table du gouvernement et du législateur.
L'iFRAP fait le point sur les modifications qu'il faudrait apporter à la loi pour que le service minimum ne puisse plus être contourné.

Selon la jurisprudence du Conseil Constitutionnel, le droit de grève n'a qu'une valeur seulement relative, la loi devant opérer une conciliation entre ce droit et l'intérêt général, notamment celui de la continuité du service public. Autrement dit, le législateur peut apporter des aménagements au droit de grève à condition qu'ils ne soient pas excessifs. C'est donc un contrôle souple et pas toujours prévisible auquel se livre le Conseil.

Il y a donc deux tentations extrêmes qu'il vaut mieux oublier : la première serait de supprimer le droit de grève dans les services publics, ou tout au moins dans les transports, comme cela se pratique dans divers pays européens comme l'Allemagne, et la seconde serait d'utiliser le droit de réquisition. La suppression du droit de grève serait très probablement déclarée contraire à la Constitution française, et la réquisition donnerait lieu à des mouvements sociaux dangereux et inextricables, à supposer qu'elle soit admise et efficace.

Le Conseil Constitutionnel a affirmé en 2007 à propos de la loi sur le service minimum que le droit de grève est exercé individuellement par chaque salarié, et qu'il était donc possible à chacun, sous réserve de respecter le préavis de 48 heures exigé par la loi, de « rejoindre un mouvement de grève déjà engagé et auquel il n'avait pas initialement l'intention de participer, ou auquel il aurait cessé de participer ».
Autrement dit, le salarié peut aller et venir dans les limites de la grève telle qu'elle a été définie dans le cadre du préavis syndical, en désorganisant complètement les prévisions de l'employeur par des grèves de 59 minutes tout en ne subissant que des retenues de salaires minimes (1/169ème du salaire mensuel).
La Cour de Cassation a de son côté jugé que rien n'empêchait plusieurs organisations d'agir indépendamment les unes des autres en donnant des préavis à des dates distinctes, ce qui est susceptible de ruiner les dispositions légales interdisant les grèves tournantes.

Il apparaît donc très difficile de trouver un moyen pour réglementer efficacement le droit de grève. La solution la plus simple et la moins critiquable serait probablement d'augmenter la pénalisation financière de la grève. Or il existe dans la fonction publique d'Etat une règle dite du « trentième indivisible » selon laquelle toute grève donne lieu à une retenue de salaire d'une journée entière.
Même si cette règle a une origine budgétaire spécifique à cette fonction publique, on voit mal comment l'extension de cette règle à tous les services publics pourrait être considérée comme une limitation excessive au droit de grève et condamnée par le Conseil Constitutionnel. Ceci éliminerait l'intérêt de la grève de 59 minutes en la pénalisant par une retenue de salaire égale à 1/30ème de ce salaire.
On pourrait aussi, comme le propose le député Hervé Mariton, allonger de 48 à 72 heures la durée du préavis individuel, mais la première mesure aurait probablement à elle seule une certaine efficacité. Il semble d'ailleurs que ce soit sur l'élimination de la grève de 59 minutes que travaille à l'heure actuelle le gouvernement.