Actualité

Fret SNCF : de nouvelles subventions seraient indécentes

Depuis 10 ans, la moyenne des pertes annuelles de la branche Fret SNCF est de 300 millions d'euros par an, soit 30 % de son chiffre d'affaires, ou une perte de 43.000 € par an pour chacun des 7.000 salariés. Malgré plusieurs plans de relance et aucune amélioration, la SNCF s'apprête à lancer un nouvel appel de fonds publics pour tenter de sauver sa branche Fret.

L'audit commandé par la direction prévoit un doublement des pertes pour 2009 à 600 millions d'euros et révèle que certaines activités ne seront jamais concurrentielles : l'activité wagons isolés qui représente 40% du chiffre d'affaires mais 70% des pertes. D'où la proposition du directeur de la branche logistique, Pierre Blayau : soit on abandonne, soit ou subventionne.

Cette dernière solution est inenvisageable et ce pour plusieurs raisons :
- Ces subventions viendraient s'ajouter aux plans précédents en 2004 et 2007 qui ont coûté 800 millions d'euros aux contribuables sans qu'aucune des réformes annoncées qui devaient sauver le fret de sa perte n'ait été véritablement menée à terme.
- Ces plans ont été soumis à Bruxelles et acceptés en contrepartie de l'engagement de l'Etat français que ces plans fussent les derniers afin de ne pas faire obstacle à l'ouverture à la concurrence dans ce secteur qui s'est opérée dès 2003 (pour l'international) et en 2006 (pour le transport national). C'est ce mouvement d'ouverture qui a permis d'identifier clairement les surcoûts de Fret SNCF.
- Enfin, dès son arrivée à la tête de la SNCF, Guillaume Pépy avait reçu un mandat clair pour hisser la SNCF parmi les acteurs majeurs de la logistique en Europe. Il s'était attaqué à la situation désastreuse de Fret SNCF en proposant une nouvelle organisation du travail sur la base du volontariat. Mais dans un contexte de surenchère électorale à la veille d'élections professionnelles décisives, les syndicats avaient enchaîné les mouvements de grève pour s'opposer à ce statut dérogatoire proposé pourtant à seulement 900 conducteurs volontaires. Dans cette affaire, la direction avait d'ailleurs été lâchée par les pouvoirs publics qui l'avaient incité à retirer le projet de réforme.

Aujourd'hui, si Fret SNCF n'est pas concurrentiel face aux principaux opérateurs, c'est avant tout en raison du statut et du régime social des cheminots : le fameux règlement RH0077 qui prévoit des horaires de travail de 25 heures par semaine pour les agents du fret et le régime spécial de retraite des cheminots, réformé à la marge, et pour lequel l'employeur SNCF doit cotiser le double par rapport au privé, sans compter les 2,8 milliards d'euros de subvention annuelle au régime de retraite, à la charge de la collectivité.

Pour les salariés du Fret SNCF cet échec est triste, mais aussi honteux. A l'abri de règles de gestion obsolètes, leur productivité est de 30% inférieure à celle de leurs collègues du secteur privé ou étrangers. Et à l'abri de leur statut, ils comptent bien être reclassés dans les autres branches de la SNCF encore en situation de monopole (TER, TGV, Infrastructures), si jamais l'Etat décidait d'arrêter les frais. Bien sûr, ces transferts ne feraient que déplacer le problème et mettre en péril ces autres branches d'activités dès qu'elles seront ouvertes à la concurrence, à partir de 2010.

Cet échec est aussi catastrophique pour l'économie de notre pays. L'Etat a versé des centaines de millions d'euros par an, en pure perte. Et, en France, les entreprises ne disposent pas avec la SNCF d'un opérateur de transport ferroviaire compétitif en matière de performance et de coût. Pire, l'existence de cet opérateur dominant grâce aux subventions publiques, empêche le développement d'autres entreprises performantes.

Cela est d'autant plus saisissant que la SNCF s'est récemment déclarée intéressée par le rachat de la branche fret de Véolia dont l'entreprise souhaite se défaire dans un contexte de résultats insuffisants, notamment pour ses marchés hors de France. Car c'est sur ces marchés étrangers que lorgne la SNCF, où elle n'hésite pas à pratiquer le jeu de la concurrence internationale. Comment dans ce contexte peut-elle affirmer aux yeux de Bruxelles avoir besoin d'argent au prétexte qu'elle refuse d'adapter son organisation en France ?