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France-Télécom : un modèle en France

On nous dit souvent : mais où proposez-vous de diminuer les dépenses de l'Etat ? Presque partout. Et le cas France Télécom est encourageant.

En 1997, France Télécom était une véritable administration, au même titre que l'Education Nationale, la Justice ou la Police. Ses salariés étaient Fonctionnaires d'Etat, ses dirigeants Ingénieurs Généraux des Télécoms, son budget décidé au Parlement et elle avait droit à son ministre dans tous les gouvernements. En comparaison, EDF et la SNCF ressemblaient presque à des entreprises.

France Télécom fournissait principalement du "téléphone fixe" aux particuliers et aux entreprises. Sept ans plus tard, le nombre d'abonnés au téléphone fixe est resté pratiquement stable [1], mais ses deux nouvelles activités, le téléphone mobile et Internet lui procureront en 2007 la majorité de ses clients et de ses revenus.

Les abonnés de France Telecom (en millions)
Téléphone fixeTéléphone mobileInternet
1997 32 3 0,03
2004 34 22 5

Pour faire face à cette explosion des besoins, la méthode administrative classique aurait été de demander plus de moyens. C'est le contraire qui s'est produit : faire beaucoup plus et beaucoup mieux, avec beaucoup moins. En 10 ans, le nombre de salariés de France Télécom (en France) aura diminué d'un tiers, alors que le nombre de ses clients aura doublé et que ses activités se seront diversifiées. Sans compter que la qualité de son service aux clients s'est souvent améliorée.

Les 3 leçons du renouveau

L'idée que cette révolution n'a été possible que grâce à un bond de la technologie (et n'est donc pas généralisable) n'est pas exacte. Bien avant 1997, les centraux téléphoniques étaient électroniques, la gestion et la facturation informatisées et le réseau numérisé et modernisé. Les méthodes employées pour rendre France Télécom plus efficace et la rapprocher du niveau de ses concurrents sont strictement classiques :

- Réorganisation en fonction des marchés et des clients
- Formation et redéploiement de la moitié des salariés dans de nouvelles fonctions
- Gestion des ressources humaines :évaluation, salaire au mérite, extinction du statut de fonctionnaire
- Aides aux départs volontaires et financement de pré-retraites par l'entreprise

Personne ne peut dire si ce renouveau sera suffisant pour affronter des concurrents très dynamiques, mais 3 leçons sont applicables aux autres administrations :

Dans l'administration française, les réserves d'efficacité sont considérables

France Télécom a démontré qu'il y a 10 ans, elle employait au moins deux fois trop de personnels. Dans les hôpitaux, les comparaisons public/privé chiffrent l'écart de coût entre 30% et 40%. Au ministère des Finances, l'étude publique concernant la collecte des impôts l'estimait entre 30 et 60% suivant les pays pris pour cible. A la Banque de France, plus de 70%.

La réforme est faisable

Avec les sauvetages de Renault ou d'Air France, on savait que pour des entreprises publiques, il n'y a pas de cas désespérés. Avec France Télécom, on a la preuve que même des administrations peuvent se réformer, et très rapidement.

La réforme n'arrive pas toute seule

Beaucoup de fonctionnaires sont persuadés de bonne foi qu'ils font le maximum pour leurs clients. Difficile de prendre conscience tout seul des conséquences d'une mauvaise organisation, de l'absence de gestion des ressources humaines ou du coût des travaux inutiles. À France Télécom comme chez Renault, c'est la concurrence et la menace de disparition de l'entreprise qui ont rendu les changements inévitables et motivé les employés.

Dans les ministères, à l'abri d'une concurrence directe, qui sera assez courageux pour exiger des réformes ? Et quels syndicats seront assez responsables pour les soutenir comme au Canada, Royaume-Uni, Italie, Allemagne, Espagne et pays nordiques ?

On nous dit souvent : vous parlez toujours de ce qui va mal. Avec France Télécom voilà un exemple de remise en question réussie.

[1] Depuis 2004, 2 millions d'abonnés l'ont quittée, c'est beaucoup mais seulement une perte de 6%.