Actualité

Fonds de paritarisme, comment les syndicats taxent les emplois à domicile

Le ministre du Travail a étendu l'accord, signé en juillet 2013 par les syndicats de la Branche des particuliers employeurs (salariés des particuliers employeurs et assistants maternels) augmentant la taxe appelée pudiquement « fonds du paritarisme » qui reverse aux syndicats signataires (salariés et patronat) un pourcentage sur chaque heure travaillée déclarée. le paradoxe est là : alors que l'emploi à domicile est en chute libre, les syndicats, salariés et employeurs, de l'emploi par les particuliers ont réussi à augmenter leurs ressources de 83%…

Cette augmentation inédite (+83%) vient « compenser » la perte de ressources due à la poursuite de l'effondrement de la masse salariale (-5,7% sur un an après -3,5 %) tirée par la diminution du volume horaire déclaré (-6,1%) [1] (du fait d'une diminution du nombre de particuliers employeurs (-3,2%) et du nombre d'heures moyen par employeur (-3%)).

Cette taxe, invisible car collectée et reversée par l'organisme de prévoyance (IRCEM prévoyance) qui est administré par ces mêmes syndicats, passe ainsi de 0,12% à 0,22% de la masse salariale, soit pour 10 milliards de masse salariale, un montant en valeur de 10 millions de plus par an que se partagent les syndicats, en plus des 12 millions par an qu'ils s'octroient déjà par ce mécanisme de financement du dialogue social. Cette taxe, payée par tous les particuliers employeurs et pas seulement les seuls adhérents de la fédération patronale signataire (la FEPEM) est partagée ensuite entre les syndicats de salariés et elle–même.

Un paradoxe qui souligne la faillite de notre démocratie représentative : en effet ces syndicats dits « représentatifs » n'ayant pas assez d'adhérents ont inventé un principe de financement qui pèse sur tous les employeurs. Ainsi, les syndicats n'ont plus besoin d'adhérents puisque, par le mécanisme de l'extension, des accords signés entre eux engagent et taxent l'ensemble des employeurs particuliers.

Soulignons que cette taxe ne permet même pas aux particuliers employeurs d'être adhérents de la fédération qui les a ainsi taxés : en effet, ils doivent payer une adhésion à cette même fédération pour pouvoir ensuite payer des « services » s'ils veulent des réponses à leurs problématiques. Par ailleurs ils payent des cotisations formation qui sont, elles aussi, également gérées par les mêmes syndicats.

Depuis sept trimestres consécutifs, la masse salariale nette de l'emploi à domicile accuse un net repli, y compris l'activité de gardes d'enfants et, pour la première fois sur une année, celle des assistants maternels. La hausse du salaire net moyen ne permet pas de compenser la chute du volume horaire déclaré.

Outre la conséquence en termes de nombre d'emplois ainsi détruits par la lourdeur des charges et la baisse de rentrées pour les différentes caisses, cette diminution d'heures déclarées (et ce retour au travail non déclaré) a une conséquence sur les rentrées d'argent des syndicats signataires des deux conventions collectives relatives aux particuliers employeurs. En effet, les fonds du paritarisme étant « adossés » à la masse salariale, lorsque celle-ci stagne ou diminue, c'est autant de rentrées en moins pour les syndicats.

D'où cette demande d'extension qui vient une nouvelle fois souligner la problématique même de la représentativité, sujet très actuel qui a fait l'objet d'un rapport remis en octobre 2013 par le Directeur Général du Travail [2] au ministre du Travail de l'époque, Michel Sapin.

Si ce rapport souligne « le besoin de transparence financière et la nécessité que la part des cotisations soit significative dans les ressources des syndicats »… cela n'a pas empêché ce même Directeur Général du Travail d'étendre, juste avant son départ, cette nouvelle augmentation de taxe qui accroît encore le déséquilibre entre ressources d'adhésion et financement des syndicats (l'adhésion en 2011 représentait moins de 1,5% des recettes de la Fepem).

Comment expliquer, en pleine prise de conscience de la nécessité de diminuer les charges qui pèsent sur l'emploi, que l'État puisse accepter de les augmenter au seul profit de certains syndicats ? La machine à perdre est en route : Plus les emplois diminuent, plus les syndicats taxent les emplois qui restent, ce qui alimente leurs recettes au détriment de la création d'emplois et au détriment des caisses qui, elles, ont des cotisations en baisse du fait de la diminution des cotisants.

A noter : cette taxe n'a pas été prise en compte dans l'avis d'échéance de l'URSSAF du 1er trimestre 2014 mais a été intégrée dans les déclarations CESU et PAJEMPLOI (englobée dans la cotisation de prévoyance…). Ce qui pose question. Après les suppressions de l'allègement des 15 points et de la déclaration au forfait en janvier 2013, et devant cette dégradation de l'emploi à domicile, il est urgent que le gouvernement se préoccupe d'alléger aussi les charges qui pèsent sue les emplois à domicile et sur les employeurs particuliers. Augmenter les charges ne contribuera qu'à la poursuite de la destruction du secteur, même avec la complicité des syndicats employeurs et salariés.

[1] ACOSS STAT Mars 2014

[2] Proposition N°13 Rapport sur la réforme de la représentativité patronale par Jean-Denis COMBREXELLE, Directeur Général du Travail (octobre 2013)