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Faire grossir les PME : une fausse piste

Une nouvelle chimère de la politique économique française

Soudainement, il y a deux ans, les milieux économiques et politiques découvrent une nouvelle explication fort séduisante à l'atonie économique de la France. Notre économie manquerait de PME, ce qui aurait pour conséquences, entre autres, un taux d'emploi insuffisant, une balance des exportations déficitaire, des taux de prélèvements obligatoires trop élevés pour couvrir la dépense publique.

La valse des rapports, signés par des personnalités connues, comme de coutume, bat son plein au rythme de 1 à 2 par an. Le gouvernement de Villepin et son ministre des PME, Renaud Dutreil, bricolent alors, à grand renfort de communication, des mesures pour stimuler le développement de nos PME, éviter qu'elles restent naines et ne puissent concurrencer leurs homologues allemandes. Cette idée ne s'est malheureusement pas tarie puisqu'elle imbibe encore la politique du gouvernement Sarkozy. Pourtant, les doutes les plus grands peuvent être émis sur la validité de cette théorie. En effet, une comparaison fine avec le Royaume-Uni qui, malgré un déficit commercial important, affiche pourtant une santé économique insolente, apporte un éclairage bien différent. Les statistiques prouvent que nous avons autant d'entreprises moyennes en France que chez nos voisins d'outre-Manche et que les emplois sont comparables, voire légèrement supérieurs, pour les entreprises de moins de 2 000 personnes (voir graphique 1).

C'est à partir des catégories de taille supérieure, que l'écart se creuse avec les Anglais, à leur avantage, et qui est flagrant pour les entreprises de plus de 20 000 salariés. Ce déficit en grandes entreprises expliquerait à lui seul un écart de près de 2 millions d'emplois marchands entre nos deux pays !

La filialisation n'explique pas ce déficit

Une théorie souvent avancée pour expliquer ces différences et réhabiliter la théorie du manque de PME, est de supposer que les grandes entreprises françaises seraient éclatées entre une multitude d'entreprises filialisées. Ainsi, nos grandes entreprises, comme le groupe Bouygues (122 000 salariés dans le monde, 75 000 en France) seraient en fait formées d'une multitude de moyennes entreprises. Cette théorie, bien que séduisante, ne résiste pas à l'épreuve des statistiques. En effet, le nombre de groupes est supérieur au Royaume-Uni, d'un rapport variant de 1,1 pour la tranche (1 000 - 2 000) à 3,6 pour les entreprises de plus de 50 000 salariés (voir graphique 2).

On s'aperçoit également que le taux de filialisation est toujours supérieur ou égal en Grande-Bretagne. Par rapport à son voisin, la France possède donc moins de groupes comprenant moins d'entreprises, quelle que soit la taille de celles-ci. La comparaison du nombre d'entreprises en fonction du secteur d'activité (graphique 3) est encore plus convaincante.

Certes, l'industrie française perd des emplois, mais le nombre d'entreprises dans ce secteur est globalement le même qu'au Royaume-Uni. Et pourtant, la santé de l'économie anglaise n'a pas à pâlir devant celle de l'Allemagne ! Ce sont bien les secteurs des services qui font la différence entre la Grande-Bretagne et la France, en nombre d'entreprises de plus de 2000 salariés, et donc en nombre d'emplois ! La France ne se différencie de l'Angleterre que dans le secteur administratif, avec une sur représentation caractérisée, émanation de notre fameux modèle social. La France n'a pas de Mittelstand allemand, mais l'exemple de la Grande-Bretagne démontre qu'il est possible de créer une économie dynamique à partir du développement des services.

Des raisons au nanisme de nos gazelles

L'analyse des séries officielles des créations d'entreprises et de l'emploi dans le secteur de l'innovation technologique (voir graphique 4) montre que ces secteurs, en France, ne créent pas d'emploi. En effet, malgré un rythme de création d'entreprises évoluant à la hausse depuis 1997, l'emploi dans ces secteurs reste assez stable voire à la baisse depuis 4 ans, autour de 1,6 million d'emplois.

Or, depuis trente ans, l'État français est parti avec l'idée fausse que c'est l'innovation technique et technologique pure qui crée des emplois, ce qui a conduit à la création et la croissance de l'agence publique Anvar (désormais Oséo-Innovation), certes, mais pas à favoriser la croissance de l'emploi marchand. C'est bien l'innovation qui crée des emplois, mais surtout celle qui conduit à proposer de nouveaux services et de nouveaux produits. Quand la politique économique française s'appuiera-t-elle sur des faits quantifiés et non sur les chimères de ses étatistes ?