Actualité

Emplois verts : quels effectifs, compétences et formations ?

Il est assez facile d'estimer combien d'emplois pourraient être créés en isolant les logements anciens, en construisant des centrales éoliennes ou des réseaux de TGV. Des centaines de milliers, voire des millions d'après certains rapports. Mais calculer un solde net est beaucoup plus compliqué. Les sommes consacrées à ces dépenses ne le seront pas à d'autres projets. Des emplois seront détruits pour créer ces nouveaux emplois dits verts.

Le Ministère de l'écologie, l'ADEME, le WWF et un laboratoire du CNRS (le CIRED) ont assuré qu'ils étaient capables d'évaluer le nombre d'emplois qui seraient créés et aussi ceux qui seraient détruits. D'après eux, 600.000 emplois supplémentaires nets existeraient en 2020 si les conclusions du Grenelle de l'économie étaient appliquées.

De son côté, le Boston Consulting Group consulté par le Ministère de l'Ecologie a estimé que calculer le nombre d'emplois détruits était très complexe. Il a aussi cité le nombre de 600.000 emplois créés, mais sans en déduire les emplois détruits.

Des idées simplistes

En prévision des élections régionales, le CIRED s'est à nouveau lancé dans ce calcul à la demande des Verts d'Ile-de-France et a trouvé le résultat demandé. Le rapport « Ile-de-France : impact sur l'emploi de la réduction des émissions de CO2 » a calculé que de 22.000 à 164.000 emplois nets pourraient être créés en France si la région Ile-de-France réduisait sa production de CO2 de 10 à 40% d'ici à 2020. Par rapport à la complexité de l'évolution de l'économie et des emplois, les hypothèses et les modèles utilisés par les auteurs de ce rapport et des précédents sont simplistes. Comment réduire les emplois détruits aux seuls secteurs de l'énergie et de l'automobile ? Des logements ne seront pas construits quand l'argent et les ouvriers du bâtiment seront occupés à isoler les habitations. Des restaurants, des librairies, des agences de voyage, des usines, des services sociaux, des écoles et mille autres activités n'embaucheront pas ou licencieront quand les particuliers, les entreprises et l'Etat devront financer l'investissement dans les énergies renouvelables ou les économies d'énergie et régler des factures d'électricité ou de traitement des ordures plus élevées.

Le retour du Plan

Comme souvent, les modèles sont très sophistiqués, les matrices d'entrées/sorties sont impressionnantes mais ils intègrent, de façon consciente ou inconsciente les opinions, les conclusions attendues de leurs créateurs ou de leurs commanditaires. Et par définition, ces modèles ne prennent pas en compte l'imprévu. Il y a 20 ans, ils n'avaient pas prévu que la Chine serait le 2nd exportateur mondial. Il y a 10 ans, pas non plus que les voitures française seraient fabriquées en Roumanie. Et il y a 2 ans, ils n'avaient même pas imaginé les millions de téléphones intelligents et leurs centaines de milliers d'applications. Et pourtant, ces rapports prétendent traiter de ce qui se passera en 2020 et 2050. Les affirmations catégoriques sur les créations d'emploi nous rappellent le temps de la planification. Et si du temps des plans quinquennaux l'économie marchait à la vitesse du train à vapeur, elle galope maintenant à la vitesse de la lumière.

Des objectifs inquiétants

Ces programmes d'économie administrée proposent toujours de remplacer des dépenses désirées (ex : partir en vacances en voiture, agrandir son logement), par des dépenses obligatoires (ex : payer plus cher son énergie, prendre le train). Mais l'expérience montre que nous sommes beaucoup plus motivés par des dépenses choisies, et donc prêts à créer ou faire créer des emplois, que par des dépenses imposées. On le savait pour les occidentaux, c'est maintenant démontré pour les Chinois, les Brésiliens et les Hindous, c'est probablement une règle universelle.

Ces rapports postulent aussi qu'il faut s'orienter en France vers des activités moins productives mais très consommatrices de main-d'œuvre. C'est un objectif positif quand la société a les moyens de remplacer un travailleur à la chaîne par un enseignant. Mais si on en juge par le nombre des candidatures à l'embauche, c'est moins attirant quand il s'agit de remplacer un salarié d'EDF par deux ouvriers du bâtiment pour isoler les logements anciens ou par trois trieurs de déchets. Cet objectif mis en avant par Europe Ecologie et le CIRED va à l'encontre de tout le progrès économique. En 2010 plus que jamais, ce qui est le plus précieux sur un plan humain et aussi d'un point de vue économique, c'est la main-d'œuvre, et ce qu'il faut continuer à supprimer pour les générations futures, ce sont les métiers pénibles.

Source : présentation du rapport CIRED par le député européen Pascal Canfin (Europe Ecologie)

On espérait qu'Alfred Sauvy, économiste, sociologue de gauche avait définitivement ridiculisé cette approche dès 1976 :

1976 L'Économie du diable. Chômage et inflation – Paris : Calmann-Lévy

PDF - 194.8 ko
CAS : La croissance verte - quels impacts_sur l'emploi et les metiers

Sources :
- Etude Greenpeace, 2009 : Renewable Energy and the Green Job Revolution
- Conseil d'Orientation pour l'emploi, 2009, Croissance verte et emploi
- WWF-CIRED, -30% de CO2 = +684.000 emplois
- Pascal Canfin/CIRED, 2010 : Impact sur l'emploi de la réduction des émissions de CO2 en Ile-de-France
- ADEME, 2008 : Marché, emplois et enjeux énergétiques