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Droit du travail la négociation remplacera-t-elle la loi ?

C'est à une (tentative de) réforme d'une importance potentiellement capitale que nous convie Xavier Bertrand à propos des 35 heures, lorsqu'il prévoit la possibilité de descendre au niveau des accords d'entreprise ou de branche la négociation de la durée du travail. La négociation peut-elle remplacer la loi, le statutaire rigide s'effacer devant le contractuel flexible ? Cette réforme, si elle aboutit, va beaucoup plus loin que les avancées en ce sens déjà connues ou celles contenues dans la loi de modernisation. On aimerait qu'elle devienne le signe d'un processus généralisé vers la contractualisation des rapports sociaux, telle qu'elle existe par exemple dans les pays anglo-saxons. Le phénomène est bien connu en Allemagne. En Grande-Bretagne également, par exemple, la judiciarisation des licenciements est évitée par l'application de barèmes mis au point entre les partenaires sociaux : ni la loi ni les tribunaux, sauf exception, n'interviennent.

Les syndicats français ont bien compris la révolution qui se profile : sinon comment expliquer leur violente réaction alors que leur rôle devrait s'élargir dans le cadre de telles négociations ? B. Thibault pour la CGT nous donne la clé en affirmant qu'une telle réforme ouvre la porte au « chantage » exercé par les entreprises.

Voilà qui en dit long. Pour la CGT, le salarié est une victime de l'entreprise-prédateur, la loi et le juge doivent demeurer les remparts qui protègent la victime, laquelle ne peut pas discuter à armes égales (c'est un air connu que l'on a notamment entendu dans le cadre de la négociation sur la rupture amiable, soumise en dernier lieu au Conseil des Prud'hommes). En même temps c'est pour les syndicats un terrible aveu d'impuissance. Ils veulent bien négocier, mais seulement pour modifier la loi et encore y ajouter, et ensuite s'abriter derrière. Voilà qui rejoint aussi le problème de la représentativité de syndicats trop faibles.

C'est vraiment un débat capital qui s'engage, dont il faut souhaiter qu'il préfigure un changement des mentalités vers moins de loi et de juge, et plus de contractuel.