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Discours de Nicolas Sarkozy à Versailles

Contrôle de la dépense et création d'emplois : <br />deux thèmes ignorés des commentateurs

L'exercice auquel s'est livré le Président de la République ce lundi 22 juin 2009 était particulièrement difficile dans un pays plus habitué à critiquer qu'à proposer ; rester dans les généralités et se faire reprocher de rester dans la grande tradition des discours électoraux à la Française, riches en volitions, en vœux pieux ; ou évoquer des mesures précises et soulever immédiatement l'ire de tous les intérêts qu'une mesure précise génère forcément.

Les différents commentateurs mettront l'accent sur l'un ou l'autre de ces aspects en fonction de leurs affinités et sensibilités politiques.

Pour nous, nous voudrions insister sur deux points qui marquent ce discours, l'un parce qu'il fut exprimé avec clarté, l'autre à cause de son absence.

Le premier exprimé juste avant d'évoquer un grand emprunt est : "Nous ne pouvons pas laisser un euro d'argent public gaspillé. Je demande au parlement de se mobiliser pour identifier tous les dispositifs inutiles, toutes les aides dont l'efficacité n'est pas démontrée, tous les organismes qui ne servent à rien. Prenez le temps d'en débattre avec le Gouvernement à la rentrée afin que des décisions fortes puissent être prises avant la fin de l'année".

C'est la première fois à notre connaissance qu'un chef de l'Etat évoque le rôle du Parlement dans le contrôle de la dépense publique, faisant probablement allusion à l'amendement voté dans la réforme constitutionnelle de l'été 2008 qui pose dans son article 24 "Le Parlement (…) contrôle l'action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques" et la création en conséquence du Comité d'Evaluation et de Contrôle, le CEC, auprès de l'Assemblée nationale.

Pour l'iFRAP, qui depuis 1999 demande que le Parlement se ré-empare du contrôle de la dépense publique et des administrations, cette petite phrase est essentielle en marquant que le gouvernement ne se contentera pas de la RGPP, mais veut mobiliser beaucoup plus large.

L'autre point qui, lui, manque dans le discours, est l'absence de mesures essentielles pour réussir la croissance interne.

Le Président a repris tous les thèmes qui ornent le discours sur la croissance depuis 30 ans : l'investissement, la formation, la recherche, etc., mais en donnant dans ces efforts un rôle essentiel à l'Etat ; dans la vision sarkozienne, l'Etat apparaît comme le grand initiateur à travers le Grenelle de l'environnement, le Grand Paris, la réindustrialisation des bassins d'emploi en difficulté.

A aucun moment le Président ne semble avoir inscrit dans ses impératifs celui de s'appuyer sur les initiatives des Français et sur la plus importante : le financement de la création d'entreprises. Il parle toujours de financements par l'Etat, jamais d'inciter les particuliers à investir par des avantages fiscaux, une voie beaucoup plus efficace pour l'argent public.

A aucun moment il n'a rappelé que, OCDE dixit, nous avons un retard de plus de 10 % de la population active au travail dans le secteur marchand. Il a bien dit qu'il se refusait à une politique de rigueur et à l'accroissement des impôts ; mais il n'a pas dit que pour revenir à l'équilibre budgétaire, les seules mesures de contrôle de la RGPP, même doublées par le Parlement seraient insuffisantes, que notre seule sortie est de créer les 5 à 7 millions d'emplois marchands qui nous manquent

Mais ne lui jetons pas la pierre. Les hommes politiques s'appuient forcément sur les analyses et des prescriptions de nos économistes. Or ceux-ci sont particulièrement silencieux, peut-être parce qu'ils sont aveugles, sur les vraies causes du chômage français et les raisons du manque de création d'entreprises et d'emplois.

En charger l'Etat est une erreur, car depuis 30 ans que l'Etat s'est emparé de la création d'entreprises et de l'innovation, le chômage n'a pas régressé, au contraire.

Si l'iFRAP a une mission primordiale – à côté de celle d'aider le CEC à identifier les dépenses inutiles – c'est bien de faire comprendre pourquoi nous ne créons pas d'emplois marchands et de proposer les mesures nécessaires.