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DGAC : la grève de trop ?

Dans un contexte international morose de forte baisse du trafic aérien [1], la grève de l'intersyndicale CGT, FO, Unsa, CGC de la DGAC (Direction générale de l'Aviation civile) programmée pour les 13 et 14 janvier prochains tombe au plus mal, sachant par ailleurs que la particularité de la rémunération des personnels du contrôle aérien repose précisément sur les cotisations payées par les compagnies aériennes à raison du volume du trafic généré dans l'hexagone [2]. A la clé, des annulations en chaîne à Orly, Roissy mais aussi à l'Aéroport de Marseille, qui risquent d'être les plus touchés.

La raison du malaise des contrôleurs est la suivante : dans la perspective de la création d'une agence européenne du transport aérien réunissant la France, le Bénélux, la Suisse et l'Ouest de l'Allemagne, les syndicats dénoncent les gains de productivité envisagés de 10% qui pourraient déboucher sur une évolution sensible du statut et du nombre des personnels. Ils dénoncent à cet endroit la politique volontariste de la DGAC qui devrait permettre une contraction des effectifs de près de 400 agents sur 2 ans. Une politique pourtant essentielle car, comme le relevait déjà la DGAC en 2008 dans le cadre de la programmation triennale, « [il existe] un risque(…) lié au fait que les dépenses du BACEA (budget annexe Contrôle et exploitation aériens) sont équilibrées par des recettes dont la quasi-totalité dépend de l'évolution du trafic aérien. » La sanction de « surpoids » ne s'est pas fait attendre, puisque la trésorerie du Contrôle aérien très tendue en 2009 a conduit les pouvoirs publics, afin de payer les traitements des 12 000 agents (11 609 ETPT) en décembre 2009, à couvrir un déficit anticipé dans les dépenses de personnel de 150 millions d'€ par un emprunt en novembre.

C'est dans ce contexte que ressortent les conclusions d'un référé confidentiel de la Cour des comptes livré le 31 juillet 2009 relatif aux relations sociales au sein de la DGAC. Or, certaines de ses assertions rendues publiques, sont encore plus dures que nos analyses livrées sur cette question.

- Du côté des heures travaillées, les conclusions sont sans appel : si nous avions évalué entre 12 et 16 heures/semaine, le volume effectivement travaillé par les contrôleurs, pour un volume total annuel théorique de 1420 heures/an (soit une occupation réelle de 50%), les conclusions du rapport de la Cour des comptes sont beaucoup plus sévères, évoquant un temps effectif moyen de 483,84 heures/an, soit 9,30 heures/semaine !
- En outre, si le salaire moyen des contrôleurs est de 5 000 € par mois, s'y ajoutent pas moins de six primes, toutes basées sur des décrets datant de 1970 et illégaux car jamais publiés au J.O. Le tout pour un montant de 237,7 millions d'€ de primes par an.

Plus que jamais, il est essentiel que les pouvoirs publics légifèrent afin de rendre transparents non seulement les émoluments, mais également la traçabilité des contrôleurs de la DGAC en poste et plus largement la gestion des personnels. Il faudra s'attaquer ensuite au statut ainsi qu'au droit de grève qui, retiré en 1964 avait été réintroduit en 1984 en échange d'un service minimum jamais appliqué. Comme l'évoquait Patrick Gandil, Directeur général de l'aviation civile lors de son audition le 13 octobre dernier à l'Assemblée nationale : « C'est le résultat d'un certain équilibre social qui a ses avantages et ses inconvénients (…) Je ne suis pas très fier de ce que je vous dis. Mais c'est la réalité. Je dois composer avec un certain climat social qui rend la situation assez désagréable mais les contrôleurs rendent un service assez performant quand on le considère dans sa globalité. »

Au vu de tous ces dysfonctionnements, on peut se poser la question de la légitimité de cette énième grève de la DGAC … la dernière ?

[1] Il suffit pour s'en convaincre de considérer que, de mai 2008 à mai 2009, le trafic aérien mondial a reculé de 9,3%, le fret reculant de 17,4%. On pourra également regarder les mauvais chiffres de la Compagnie Air-France-KLM qui enregistrait en décembre 2009 la 12ème baisse consécutive de trafic passagers, représentant –5,1% sur un an, consécutivement à un effondrement de l'activité fret de 8,5% sur la même période.

[2] Créée en 1999 et insérée à l'article 302 bis K du CGI, la TAC (taxe de l'aviation civile) est assise sur le nombre de passagers et la masse de fret (y compris courrier postal) payés par les entreprises de transport aérien. Elle représentait en 2009 un revenu estimé à 308,665 millions d'€ et estimée en baisse de 10% pour 2010 à 277,933 millions d'€. Il faut également y ajouter trois autres sources de revenus : les redevances de navigation aérienne, de surveillance et de certification, mais aussi l'emprunt… dont on reparlera plus loin !