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Couacs à la Banque Publique d'Investissement (BPI)

À peine cette « banque » est-elle mise en place, que les désaccords entre Nicolas Dufourcq, directeur général exécutif, Ségolène Royal, porte parole et vice-présidente du Conseil d'administration de la BPI, et Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, s'étalent sur la place publique. Les objectifs de cet organisme ne sont pas clairs : prolonger la vie de canards boiteux ou investir dans des entreprises prometteuses et rentables ? Et les moyens non plus : le FSI a perdu plus de deux milliards en 2012. Par quel miracle la BPI serait-elle plus compétente que les investisseurs privés ?

Rappel des échanges des deux denières semaines

Nicolas Dufourcq : La BPI n'est pas intervenue pour sauver Petroplus ou Florange parce que « La BPI a étudié les deux dossiers mais a rendu un "arbitrage business". On aurait perdu beaucoup d'argent et ce n'aurait pas été un bon business ». (Europe 1)

Ségolène Royal : Cette déclaration «  est un grave dérapage (…) qui n'a aucune raison d'être et qui ne se reproduira pas ». La BPI « est là pour prendre des risques ». (Réunion publique à Rouen)

Arnaud Montebourg : « J'ai réprimandé le directeur général en lui faisant observer qu'il n'a pas à déclarer [cela], que la banque est une œuvre collective, une banque pas comme les autres, qui doit justement essayer de financer là où le secteur financier ne veut pas financer ». (RTL)

De son côté, Jean-Pierre Jouyet, président du Conseil d'administration de la BPI et directeur de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), actionnaire de la BPI à parité avec l'État, avait déjà déclaré : « Nous financerons les bons projets, pas les canards boiteux. », avant d'être corrigé par le Président de la République, François Hollande.

Au même moment, Les Échos annonce le départ probable de François Drouin, PDG d'Oséo, structure de prêts aux entreprises, absorbée par la BPI. Sans doute a-t-il mal accepté que les objectifs de cette nouvelle structure soient présentés comme très différents des précédents alors qu'ils sont identiques. Le PDG de l'autre branche de la BPI, le FSI (Fonds Stratégique d'Investissement), doit ressentir la même impression de bouleversement purement de façade. Et on peut se demander si Nicolas Dufourcq, ex numéro 2 de Capgemini, acceptera longtemps de se voir rabrouer comme un collégien par des responsables politiques qui ont encore à faire leurs preuves sur le plan de la gestion des entreprises. Autre départ effectif : celui d'Antoine Gosset-Grainville, le directeur général adjoint de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) qui avait assuré l'intérim à la tête de la CDC après le départ d'Augustin de Romanet. Il est vrai que la CDC a complètement changé de nature avec la création du FSI puis celle de la BPI, largement aux ordres du gouvernement. Comme l'a indiqué Jean-Pierre Jouyet, le nouveau directeur général de la CDC : « Les opérations qui ont été responsables de ces pertes (de 2012) n'ont pas toujours été réalisées de plein gré par la CDC ». Mais l'intervention encore plus directe des ministres et des politiques dans la politique d'investissement de la BPI montre que cette tendance va s'aggraver. Le silence des parlementaires chargés de la surveillance de la CDC confirme cette évolution, et montre que la situation a encore empiré depuis l'étude de l'iFRAP et les déclarations fracassantes du Sénateur Marini, alors membre du comité de surveillance de la CDC.

La commission innovation

En parallèle avec la BPI, une commission dite « Innovation 2030 » est chargée avec 150 millions d'euros de dénicher et soutenir des entreprises porteuses « d'innovations de rupture » (on croyait que c'était le rôle de la BPI). Elle est présidée par Anne Lauvergeon et composée d'une vingtaine de personnalités remarquables et très diverses qui devront choisir les secteurs critiques et ces pépites « dans le monde entier ». Elles seront financées par une troisième structure, le Commissariat général à l'investissement d'avenir.

Question : quelle est la dernière innovation de rupture à avoir été pressentie par une commission administrative ? Smartphone : non – Tablette : non – Gaz de schiste : non – Chirurgie ambulatoire : non - Facebook : non - Google : non - Twitter : non - e-book : non - Dailymotion : non - "Box triple play" : non - Voyages aériens low-cost : non

Grâce au doublement des plafonds des Livrets défiscalisés, et à la possibilité pour les salariés de retirer leurs capitaux des fonds d'intéressement et de participation, la CDC et la BPI vont disposer de moyens financiers considérables.
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Déblocage 2013
Que peut-on en attendre ?

En 2013, l'actualité est aux jeux de pouvoir entre responsables politiques et managers de la CDC et de la BPI. Il ne faudrait pas qu'en 2018, l'actualité soit à la création d'une structure de défaisance à la Crédit Lyonnais pour y cantonner leurs actifs invendables.