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Contrôler les avantages des entreprises publiques

Les avantages consentis aux salariés des grandes entreprises publiques doivent être mieux contrôlés

Le quotidien économique Les Echos a révélé la semaine dernière que les entreprises EDF et GDF Suez envisageraient de revenir sur les avantages consentis à leurs salariés en matière de tarif dérogatoire. Les 300.000 salariés et retraités des industries électriques et gazières ne payent que l'équivalent du coût de production, et échappent à l'ensemble des taxes désormais nombreuses qui frappent la consommation d'énergie. Un « tarif agent » qui ne correspond finalement qu'à 10 à 15% de ce que payent les particuliers. Les employeurs réfléchiraient à appliquer au moins une partie des taxes sur l'énergie car ils sont obligés de les acquitter pour le compte de leurs salariés à l'État. Or, comme le rappelle le quotidien économique, ces taxes sur l'énergie vont subir de fortes hausses : la CSPE – contribution au service public de l'électricité - va augmenter en raison de l'engouement des pouvoirs publics pour le photovoltaïque. De même que les taxes locales.

Ce n'est pas la première menace qui plane sur ces avantages. Déjà, les URSSAF s'étaient déclarés en faveur de l'application stricte des textes qui prévoient que de tels avantages constituent un élément de rémunération qui doit théoriquement être déclaré et supporter les cotisations sociales. Toutefois, par mesure de tolérance, l'administration sociale exonère de charges les produits et services fournis aux salariés des entreprises dès lors que la réduction tarifaire accordée n'excède pas 30% du tarif public le plus bas pratiqué dans l'année. Mais dans le cas d'EDF et GDF Suez on en est loin. Idem chez Air France ou à la SNCF.

Toucher à ces privilèges datant souvent de l'après guerre est considéré comme une véritable provocation du côté des syndicats qui y voient un « acquis social » chèrement obtenu, en compensation de salaires supposés moins élevés. Déjà, les responsables des entreprises concernées, si elles reconnaissent un problème avec la compensation des taxes, ont finalement reculé, déclarant qu'elles n'envisageaient pas de revoir le tarif agent pour l'instant ! On le voit, les approches sont faites avec précaution, tant est présente la peur du blocage.

Si jusqu'à présent les recommandations de l'URSSAF ne sont pas appliquées c'est que curieusement les entreprises concernées déclarent ne pas être en mesure de chiffrer le coût de tels avantages. Chez Air France, on estime à 1,5 million de billets délivrés aux salariés et ayants droit (chiffres Le Figaro 2008). Chez EDF, on peut estimer que l'avantage représente environ 250 à 350 euros par an par rapport à un particulier lambda soit 75 à 100 millions d'euros pour l'entreprise [1]. A la SNCF, non plus, l'entreprise ne sait pas mesurer le coût des billets quasi-gratuits, affirme-t-elle. Pourtant, si l'on fait l'hypothèse de 5 voyages par an pour les 163.000 cheminots et 316.000 retraités à un prix moyen de 100 euros par voyage, le coût estimatif serait de 240 millions d'euros [2].

Au total, les sommes ne sont pas négligeables. Elles correspondent à des politiques sociales souvent prodigues accordées en contrepartie d'une certaine paix sociale. Ce ne sont d'ailleurs pas les seuls avantages consentis en ce sens, ainsi les dotations aux comités d'entreprise y sont souvent généreuses comparées aux obligations légales. Les textes prévoient que les comités d'entreprise, obligatoires pour les entreprises de plus de 50 salariés, reçoivent une subvention pour leur fonctionnement équivalente à au moins 0,2% de la masse salariale brute, à laquelle s'ajoute le plus souvent une subvention pour les œuvres sociales et culturelles. En règle générale, les entreprises versent 1% de leur masse salariale à leur CE.

Mais dans le cas d'EDF, qui est l'exemple le plus fameux, c'est une dotation qui correspond à 1% du chiffre d'affaires de l'électricité qui est accordé au comité d'entreprise. Soit l'équivalent de 14% de sa masse salariale... Avec les recettes tirées de la vente de séjours de vacances et de loisirs, le budget atteint la somme impressionnante de 450 millions d'euros.
Malgré cela, la CCAS serait en passe de terminer l'année 2010 avec un déficit d'exploitation compris entre 100 et 120 millions d'euros révélant une gestion hasardeuse. Mais, bonne nouvelle pour les électriciens, le comité d'entreprise bénéficiera mécaniquement de l'augmentation du prix de l'électricité qui devrait lui rapporter 35 millions de plus de dotation cette année... Sur le dos des consommateurs !
Des affaires qui ne sont pas sans rappeler les difficultés d'autres comités d'entreprise (Air France) et qui mettent en lumière la faiblesse des contrôles sur ce type d'établissements. Au-delà, des mesures plus strictes d'encadrement devraient être envisagées comme la fiscalisation de la dotation aux comités d'entreprise au-delà d'un certain seuil, comme un avantage en nature, ce qui responsabiliserait salariés, élus et employeurs pour une meilleure gestion.

[1] L'INSEE indique que les dépenses en énergie domestique se sont élevées en 2006 à 590 euros en moyenne par habitant, dont 48% consacrés à l'électricité et 22% au gaz naturel. On a fait l'hypothèse d'une facture équivalente à seulement 15% du coût pour les agents d'EDF et GDF Suez.

[2] et cela sans compter les autres membres du foyer