Actualité

Conférence sociale, encore une petite couche mais mieux dans l'avenir ?

Comme les couches des Républiques ou de l'antique publicité des peintures Ripolin, les conférences sociales s'ajoutent les unes aux autres et se ressemblent plus ou moins : des petites avancées, non négligeables, mais il faudra beaucoup de couches pour que le mur des réformes se trouve suffisamment couvert. On perçoit cette fois quand même, à l'occasion du boycott assez retentissant de trois syndicats la CGT, FO et la FSU, un certain agacement du pouvoir, en tout cas du Premier ministre, qui pourrait éventuellement, avec toutes les réserves d'usage, amorcer un tournant plus autoritaire dans la façon de réformer la France, son Code du travail, ses seuils sociaux, ses blocages… Et ce aux antipodes des 94 propositions de la CGT qui vont à contre-courant de l'Histoire.

C'est entendu, l'article 1 du Code du travail oblige le gouvernement, toutes les fois qu'il envisage un projet de réforme touchant aux relations de travail ou à l'emploi, à engager une concertation réunissant les organisations syndicales de salariés ou d'employeurs. C'est l'objet des « conférences sociales ». Celle de fin 2012 a conduit à l'importante loi du 14 juin 2013, même si on en regrette aujourd'hui les compromis qui coûtent cher aux entreprises et ne règlent que peu les problèmes de flexibilité ou de licenciement. Celle des 7 et 8 juillet derniers a tourné court en raison du boycott de la CGT, de FO et de la FSU – du jamais vu. Mais des accords non négligeables ont cependant été atteints d'après le Medef et la CFDT : notamment des mesures en faveur de l'apprentissage venant réparer les coupures budgétaires très mal venues de l'année dernière [1] et une modulation du forfait social entre autres.

On a quand même perçu, de la part du Premier ministre, un certain agacement. On a été ainsi étonné mais ravi d'entendre, de la part d'un chef de gouvernement socialiste, que parler de « cadeau au patronat » en évoquant les mesures du pacte de responsabilité, n'avait aucun sens, ce qui devrait obliger bien des responsables politiques et apparatchiks du parti à une révision douloureuse de leur vocabulaire. On a aussi entendu des menaces guères voilées dirigées vers les absents. Il est vrai que lesdits absents avaient, avec une exquise courtoisie, déclaré qu'à la différence de celui du chef de l'État (quand même !), le discours du Premier ministre ne valait pas qu'on se déplace. Comme quoi les conférences se suivent et ne se ressemblent pas tout à fait. Que se passera-t-il à l'occasion de la prochaine conférence de septembre ?

Gênée aux entournures, la CGT a effectué un travail considérable pour contrer le programme d'un gouvernement accusé d'être le valet du Medef : elle a élaboré ses propres revendications. Il y en a 94 ! En avez-vous entendu parler ? Dans la ligne obstinée du syndicat, voici un florilège : retraite pour tous à 60 ans, augmentation des pénalités pour les entreprises (rétablissement de la contribution Delalande, dont on a amplement démontré l'effet pervers), surtaxation des contrats courts, paiement des cotisations pour les temps partiels sur la base de contrats à temps plein et exclusion des abattements bas salaires pour les contrats précaires, le smic à 1.700 euros avec sa traduction immédiate dans les minima de branche, la revalorisation des pensions, l'augmentation du point d'indice des fonctionnaires, « rompre avec le vote du budget de la Sécurité sociale par le Parlement » (?), « réhabiliter l'impôt sur le revenu » (?), taxer le capital au moins autant que le revenu (ce qui est déjà fait), abaisser le taux général de TVA à 15% et supprimer la TVA sur les produits de première nécessité, etc… Nous avons compris et le Premier ministre aussi.

Ce dernier s'est attaqué à du plus lourd, lorsqu'il a évoqué les seuils sociaux et la « simplification » du Code du travail. Il s'agit là de tabous, et ni les syndicats « boycotteurs » bien entendu, ni les syndicats réformistes n'y ont fait la moindre allusion. Mais l'annonce du Premier ministre devrait signifier que ces reformes auront lieu ou tout au moins seront mises sur la table. Elles sont très difficiles à réaliser, surtout la simplification du Code du travail si l'on ne veut pas se borner à une simplification administrative, touchant les formalités sans concerner le fond du droit. Mais enfin, faut-il en accepter l'augure ? Rappelons que l'article 1 du Code du travail que nous avons évoqué oblige à organiser la concertation, mais nullement à renoncer aux réformes faute d'accord. Le gouvernement en avait d'ailleurs clairement menacé les organisations patronales lors de la négociation de fin 2012. En cette veille de trêve estivale, voici un message d'espoir bienvenu alors que le gouvernement paraît cette fois vouloir réserver ses gros yeux aux syndicats boycotteurs.

[1] Voir notre note Un scandale politique : les contrats d'apprentissage ponctionnés au profit des emplois d'avenir