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Chômage : retour aux emplois aidés

En 1995, ce sont les Préfets que Jacques Chirac avait solennellement convoqués à Paris pour les mettre en demeure de réduire le taux de chômage. Sans résultat. Seize ans plus tard, en 2011, c'est aux sous-préfets que le ministre de l'emploi vient de confier la même tâche. Réunis dans le grand amphi de l'École militaire de Paris, les 200 sous-préfets ont été chargés de « se consacrer à 100% à la traque des emplois non pourvus dans leur secteur et à la mise en relation de ces offres avec les demandeurs d'emploi. » Puisque c'est déjà le rôle de Pôle Emploi, la distribution d'emplois aidés sera sans doute la principale activité de ces sous-préfets.

La France compte de 2,7 à 4 millions de demandeurs d'emplois suivant les différentes catégories prises en compte, et le chômage en France ne baisse pratiquement plus jamais en dessous de 10% de la population active. Faute de solutions de fond, le Gouvernement vient de relancer la méthode classique : relancer les emplois aidés.

Encore plus d'emplois aidés

Une aide de l'État qui va jusqu'à 105% du salaire est vraiment alléchante. Mais la notion d'emploi aidé est large puisqu'elle recouvre aussi bien les emplois pour lesquels l'État finance la quasi-totalité des salaires, que ceux qui bénéficient seulement d'un allégement des charges sociales. Pour être complet, il faudrait même y ajouter la Prime Pour l'Emploi (PPE) et le Revenu de Solidarité Active (RSA) où l'État complète directement le salaire, mais cela tournerait au cauchemar français.

La saga des 13 types d'emplois aidés

Les premiers emplois aidés, les fameux TUC (Travaux d'Utilité Collective) étaient réservés au secteur non marchand et très largement financés par l'État. Chaque gouvernement les a ensuite modifiés : célèbres emplois jeunes et contrats emplois solidarités (CES), Contrat Insertion Revenu Minimum d'Activité (CI-RMA), Contrat d'Accompagnement dans l'Emploi (CAE), Contrat Initiative Emploi, (CIE), Contrat Jeune en Entreprise (CJE), Contrat Emploi Consolidé (CEC). Le dernier modèle est le Contrat Unique d'Insertion (CUI), dont deux variantes ont immédiatement été créées, le CUI-CAE pour le secteur non marchand et le CUI-CIE pour le secteur marchand. Il faut encore y ajouter les emplois Service Civique pour lesquels Martin Hirsch réclame des crédits pour 10.000 postes supplémentaires en 2011. La Convention de Reclassement Personnalisé (CRP) et le Contrat de Transition Professionnelle (CTP) complètent le tableau.

Cette floraison de contrats aidés fait penser à celle des aides au logement locatif : Quilès, Méhaignerie, Perissol, de Robien, Besson, Borloo-1, Boloo-2, Scellier... Une instabilité qui indique que les responsables successifs ne traitent pas le fond du problème.

En 2010, environ 360.000 personnes avaient un emploi aidé CUI dans le secteur non marchand et 50.000 dans le secteur marchand. Un écart naturel mais inquiétant. Naturel parce que les entreprises n'embauchent, même gratuitement, que si elles ont de véritables besoins et sont capables de fournir un vrai métier au salarié. Inquiétant parce que ces salariés, recrutés par le secteur non marchand (collectivités locales, État, associations), seront inévitablement peu préparés à trouver ensuite un emploi dans le secteur marchand, débouché souhaitable pour la majorité d'entre eux. Inquiétant aussi parce que, l'expérience l'a montré, le secteur non marchand, avec ses besoins mal quantifiables et donc infiniment extensibles, a beaucoup de mal à se passer de cette main-d'œuvre quasi gratuite quand le chômage recule.

Pour 2011, le gouvernement espérait une légère baisse des emplois aidés. Mais dès février, une rallonge de 500 millions d'euros a dû être décidée. Une partie sera consacrée aux emplois aidés, une autre à l'aide aux chômeurs. La Fondation iFRAP a été démarchée par Pôle Emploi pour une (des) embauche(s) avec une subvention entre 60 et 105% du SMIC, exonération des cotisations patronales de sécurité sociale, de la taxe sur les salaires, de la taxe d'apprentissage, de la participation à l'effort de construction, et de l'indemnité de fin de contrat.

Des faux emplois ?

Les emplois aidés sont sans doute socialement indispensables vu le taux actuel de chômage, et politiquement inévitables à 15 mois de l'élection présidentielle. Leurs inconvénients sont connus : mauvais ciblage des bénéficiaires souvent les moins éloignés de l'emploi, faible intégration de ces salariés « en surplus » dans les équipes de travail et donc faible formation. Sans compter la tentation pour l'employeur et pour le salarié, de limiter ses exigences pour l'un, ses efforts pour l'autre, à ce que coûte cet emploi. Les contrats longs (par exemple 5 ans pour les emplois jeunes) sont à proscrire et les emplois dans le secteur marchand doivent être favorisés.

Quand la France va-t-elle se mettre à traiter ses problèmes de fond et à créer un environnement favorable à la création de véritables emplois marchands ?