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Chômage : le coup d'épée dans l'eau du gouvernement

Tous les mercredis, avant le Conseil des ministres, Le Macronomètre, l'observatoire des réformes du gouvernement, lancé par la Fondation iFRAP, attribue une note aux réformes d'Emmanuel Macron. La note de la semaine du Macronomètre est présentée dans le Figaro. Cette semaine : 4/10 sur la réforme de l'offre raisonnable d'emploi.

Le président de la République s'était engagé à modifier le mécanisme de l'Offre raisonnable d'emploi (ORE) - offre que le chômeur peut être contraint d'accepter sous peine de sanction - car ce mécanisme est resté très peu appliqué. La France présente ainsi la particularité d'être généreuse pour ses demandeurs d'emploi et de considérer que l'on ne peut pas contraindre un chômeur à reprendre un emploi inférieur à celui qu'il occupait précédemment.

L'ancienne version de l'Offre raisonnable d'emploi prévoyait des paliers d'évolution de l'offre dans le temps, notamment sur le niveau de salaire attendu et la zone géographique applicable. De plus, il fallait que l'emploi soit « compatible avec les qualifications et compétences professionnelles » de l'intéressé. Une définition très restrictive car imposant des critères trop proches de l'emploi précédent. L'idée du gouvernement en 2018 était de supprimer ces paliers d'évolution afin que « la définition et l'évolution de l'offre raisonnable d'emploi repos[ent] sur les échanges et la relation de confiance entre le demandeur d'emploi et son conseiller référent ».

La première mouture de la réforme rejetée par le Conseil d'État

Ce projet a été rejeté par le Conseil d'État par crainte de l'arbitraire de l'administration… Conséquence, la loi du 5 septembre 2018 spécifie que le demandeur d'emploi ne pourra pas être contraint d'accepter: « 1) Un niveau de salaire inférieur au salaire normalement pratiqué dans la région et pour la profession concernée. 2) Un emploi à temps partiel, lorsque le projet personnalisé d'accès à l'emploi prévoit que le ou les emplois recherchés sont à temps complet. 3) Un emploi qui ne soit pas compatible avec ses qualifications et ses compétences professionnelles. »

Si certains ont cru devoir relever que la disparition de la référence au salaire antérieur allait donner trop de liberté à l'administration, il n'en est rien à partir du moment où la limite inférieure reste « le salaire normalement pratiqué dans la région » pour un emploi qui doit être « compatible avec les qualifications et compétences professionnelles ». De facto, cette réforme devient un coup d'épée dans l'eau car l'ORE reste non contraignante… ce que nos voisins européens ont pourtant mis en application depuis longtemps.

Des ajustements de bon sens sur l'application des sanctions

Chez eux, la logique est inversée, car l'indemnité chômage est considérée comme un secours et son montant n'a pas forcément de rapport avec l'emploi précédent. Et ce dans la logique que le demandeur d'emploi retourne sur le marché du travail le plus vite possible. La recherche d'emploi doit donc être active et prouvée, et des sanctions peuvent être prononcées en cas de refus d'une offre raisonnable. Le Royaume-Uni est le pays le plus strict à ce sujet (plafonnement des indemnités à 400 euros, obligation de prendre le premier emploi proposé sous peine d'amende…) mais l'Allemagne, le Danemark ou la Suède ont aussi une appréciation très large d'une offre raisonnable, tout en étant très exigeants sur les obligations de recherche.

Si la réforme de l'ORE est à ce stade une occasion manquée pour la France, il faut néanmoins souligner quelques ajustements de bon sens sur l'application des sanctions pour défaut de respect des obligations du chômeur (rendez-vous fixés par Pôle emploi et acceptation des ORE proposées). Ainsi, depuis un décret du 28 décembre 2018, les compétences du préfet pour décider des sanctions ont été transférées à Pôle emploi et ces sanctions ne peuvent plus consister en une simple « suspension » des droits mais deviennent une véritable « suppression » (temporaire ou définitive). Pour cet effort, une note de 4/10.