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Autorisation administrative de licenciement, la revoilà ?

Benoît Hamon, nouveau porte-parole du PS, nous repasse le plat de l'autorisation administrative de licenciement. Cette mesure, en vigueur de 1975 à 1986 , date à laquelle le gouvernement Chirac l'avait supprimée, était restée depuis au frigidaire malgré quelques timides tentatives.
L'iFRAP avait déjà montré, dans une étude sur le droit du licenciement, que la suppression de l'autorisation administrative de licenciement avait abouti à la mise en place d'un contrôle a posteriori source d'instabilité juridique pour l'employeur.

Ce plat réchauffé par Benoît Hamon ne suscite guère l'enthousiasme. Interrogé lundi matin sur France-Inter, le patron de la CGT Bernard Thibaut quant à lui refuse ostensiblement, malgré l'insistance du journaliste, de prononcer le mot, et propose de son côté une « suspension provisoire de six mois » des licenciements dans les entreprises « qui font du profit ».

En 1996 la revue Alternatives Economiques elle-même avait qualifié la mesure d' « illusoire s'il s'agit de lutter contre le chômage ». Et de fait jamais les socialistes n'avaient rétabli l'autorisation malgré leur retour au pouvoir. Le discours de Benoît Hamon lui-même reste d'ailleurs très alambiqué, puisqu'il s'agirait de rétablir « une forme d'autorisation administrative de licenciement pour les licenciements boursiers »…qui s'appliquerait « là où il y a un doute manifeste sur le mobile du licenciement ». Il faudrait nous expliquer comment mettre en œuvre en pratique cette exigence d'autorisation limitée aux cas « où il y a doute » !

La mesure est tout simplement inefficace, l'administration étant incapable de juger à la place de l'entrepreneur, de sorte que l'autorisation était autrefois accordée quasi systématiquement, ce qui ferait presque regretter le bon temps à certains de ces entrepreneurs…

En réalité, la loi Aubry de 1993 a instauré un régime que d'aucuns jugent encore plus redoutable que celui de l'autorisation administrative : c'est le droit de regard donné aux juges sur la qualité des plans sociaux, sous la sanction de la nullité du plan. Des dizaines de plans ont été ainsi annulés, et chaque année la Cour de cassation va plus loin dans ses exigences. Récemment le plan Everite a été annulé pour ne pas avoir suffisamment détaillé les dispositions de reclassement. Alors qu'autrefois l'administration prenait la responsabilité de donner son accord, l'employeur n'est maintenant jamais certain de ne pas voir, des mois voire des années plus tard, toute sa réorganisation annulée pour des motifs de forme. Les entrepreneurs n'ont pas gagné au change. Il est finalement surprenant de voir le porte-parole d'un PS dirigé par la même Martine Aubry suggérer une réforme qui reviendrait ainsi plusieurs dizaines d'années en arrière.

Quant aux fameux licenciements «  boursiers » qui devraient être interdits alors que l'entreprise fait des profits, on n'a pas assez dit que cela reviendrait à conduire les yeux sur le rétroviseur. Car les dividendes attribués aux actionnaires en 2008, qui paraissent tant mobiliser gauche et syndicats, ils l'ont été sur le fondement des bénéfices réalisés au cours de l'année 2007, dont les résultats ne sont pas transposables en 2008, ou encore moins en 2009 lorsqu'il s'agit d'envisager des licenciements. Quant aux profits de l'année 2008, s'ils existent, ils ne seront connus qu'au cours du premier semestre 2009.

Cette remarque est d'autant plus vraie au cours de la période actuelle, marquée par la brutalité et la soudaineté particulières de la crise. Ainsi pour le transport des marchandises, qui a subi un premier ralentissement en mai, puis en octobre, pour en arriver à une baisse de l'ordre de 20% sur le dernier trimestre. Dans ces conditions se baser sur les profits passés de 2007 pour juger des mesures à prendre fin 2008 serait parfaitement absurde. Il est sûr que les adeptes de cette conduite les yeux sur le rétroviseur n'obtiendraient pas leur permis de conduire (les entreprises), ou se le verraient très vite retirer !