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Assurance chômage : l'exemple finlandais

Le projet de loi réformant l’Assurance chômage devrait être présenté début avril mais on connait déjà les principales mesures que le gouvernement veut mettre en place pour les demandeurs d'emploi et leur suivi. On parle pour l'instant d'un « journal de bord » par demandeur d'emploi, afin de mieux encadrer et suivre leur recherche d’emploi les 12 premiers mois. S'y ajouterait également la refonte des sanctions en cas de manquement et la redéfinition de "l’offre raisonnable d’emploi". L’objectif du gouvernement, c'est une personnaliation du suivi, avec un journal de bord et une offre raisonnable d’emploi adaptable à chaque demandeur. Un projet ambitieux... que l'on voit mal se mettre en place, alors qu'aujourd'hui, malgré une définition de l'offre raisonnable d'emploi très large et très peu contraignante, les sanctions légères, elles aussi, ne sont déjà pas respectées

Pourtant, les idées pour une refonte de l'Assurance chômage ne manquent pas, surtout avec nos voisins européens. Le modèle finlandais est un bon exemple : il repose beaucoup sur un régime de base, à l'image de notre système, qui finance 43% des allocations... tout en offrant une couverture complémentaire aux actifs qui peuvent souscrire  des assurances privées qui versent 57% des allocations chômage. 

Un modèle d’assurance chômage mixte : l’exemple finlandais

Comme en France, les allocations chômages sont financées par des cotisations obligatoires payées par les salariés et les employeurs. Il s’agit du régime de base mais ce dernier peut être complété par des assurances facultatives payées par les actifs aux caisses du chômage (en général à celle de son syndicat).

L’ouverture des droits est alignée entre le régime de base et les assurances facultatives. L’ouverture des droits n’est possible que si le demandeur d’emploi a travaillé au minimum 18 heures par semaine, pendant 26 semaines au cours des 28 derniers mois. Le versement des allocations est limité à 23 mois maximum.

Quand le dossier du demandeur d’emploi est enregistré et accepté par l’Agence pour l'emploi et le développement économique (Työ- ja elinkeinotoimisto, TE-toimisto), ce dernier peut donc percevoir :

L’allocation de chômage de base (peruspäiväraha) qui est de 32,68 euros par jour. Elle peut être versée pour 300, 400 ou 500 jours et elle est versée par Kela. Elle est abondée par une part proportionnelle au revenu : 32,68 euros + 45% de la différence entre le salaire journalier de référence et l’indemnité de base. Si le total dépasse 3.104 euros par mois, le pourcentage est réduit à 20% et le taux de remplacement ne peut pas dépasser 90% de l’ancien salaire de référence.

Une fois les droits à l’allocation de chômage de base épuisés, le demandeur d’emploi de 17 à 67 ans peut obtenir l’allocation de solidarité des marchés d’emploi (työmarkkinatuki) également versé par Kela. Son montant prend en compte les autres revenus que le demandeur d’emploi peut toucher dans un plafond de 32,68 euros par jour. Pour les jeunes de 17 à 24 ans, le versement de l’allocation de solidarité est conditionné au fait que le demandeur n’ait refusé ni une offre d’emploi, ni une offre de formation et qu’il ait complété les formations proposées jusqu’au bout. En moyenne, cette allocation est de 765 euros par mois, pour 306.500 personnes dont certaines justifient d’un emploi. Cela explique pourquoi, si le taux de chômage en Finlande est de 8,5%, 12% de la population active touche une allocation chômage (base ou solidarité).

Au total Kela a versé 2,16 milliards d’euros d’allocations (de base et de solidarité) en 2016.  

En complément à ce système d’assurance de base, il existe l’allocation de chômage complémentaire (ansiosidonnainen päiväraha/työttömyyspäiväraha) qui est versée par les caisses du chômage si le demandeur d’emploi avait souscrit une assurance chômage facultative. Les caisses du chômage ont versé 2,8 milliards d’euros en 2016.

Total de la dépense d’assurance chômage : 4,9 milliards d’euros (Kela et les caisses du chômage) pour un versement moyen par chômeur de 1.383 euros par mois.  Les versements sont assurés à 57% par les caisses de chômage facultatives des actifs.

Enfin, toutes les allocations que le demandeur d’emploi touche, sont imposées. Les chômeurs peuvent aussi obtenir des allocations logement et des allocations familiales s’ils ont des enfants.

Les allocations chômage sont aussi l’objet de sanctions strictes, elles peuvent être suspendues dans le temps de 15 à 90 jours si :

  • Le demandeur d’emploi ne se rend pas à son entretien du plan d’emploi (allocation suspendue pour 15–30 jours) ;
  • Le demandeur d'emploi refuse une offre d’emploi ou la participation à un service dédié à la recherche d’emploi (allocation suspendue pour 30–90 jours. Quelques motifs acceptés pour le refus : travail entrepreunial, durée du trajet au travail, raisons de santé etc.) ;
  • Le demandeur d'emploi ne réalise pas son plan d’emploi (allocation suspendue pour 60 jours/entièrement) ;
  • Le demandeur d'emploi a démissionné de son poste ou est la cause de la perte de son poste (allocation suspendue pour 90 jours. Quelques motifs acceptés pour la démission : négligence de loi du travail par l’employeur, etc.)

Et, aujourd’hui, le gouvernement finlandais veut aller encore plus loin. En 2018, la Finlande a adopté « un modèle actif des services du chômage » (työttömyysturvan aktiivimalli) afin d’inciter les demandeurs d’emplois à être plus actifs dans leurs recherches d’emploi, notamment en développant l’entreprenariat. Pour 2019, le gouvernement a également posé un projet de loi pour obliger les demandeurs d’emploi à justifier de la recherche d’au moins 12 postes en 3 mois et pour suivre leur activité chaque semaine en ligne. S’il refuse, le demandeur perdra son allocation du chômage pour 60 jours. L’idée est qu’au lieu de miser sur des entretiens et des plans d’emploi élaborés par les Agences pour l'emploi et le développement économique, le demandeur devienne plus autonome dans sa recherche d’emploi.

Les propositions de la Fondation iFRAP :

  • Durcir la définition de l'offre raisonnable d'emploi pour qu’un emploi se situant par exemple dans un rayon de 30 km ou nécessitant de travailler le dimanche soit considéré comme « raisonnable » dès le premier jour de recherche d’emploi.  

On peut aussi définir la condition de similarité d’activité en ne se référant qu’à la branche d’activité, abaisser les critères financiers en fixant comme limite, et ce dès le début de la prise en charge par Pôle Emploi et un salaire égal au montant de l’allocation.

  • Appliquer les sanctions en cas de refus d’offre raisonnable avec une vraie suspension des droits.

Aujourd'hui, si la personne refuse deux offres d’emploi, elle peut être radiée de Pôle emploi mais elle ne perd en rien ses droits au chômage : « Durant la période de radiation, les allocations chômage ne sont plus versées. Toutefois, la radiation ne réduit pas la durée globale des droits acquis à indemnisation » dit le site du service public. De leur côté, les agents de Pôle emploi savent pertinemment qu’il ne sert à rien de radier un demandeur d’emploi pour refus d’offre d’emploi puisqu’ils devront le réinscrire. D’une mesure qui est présentée comme une radiation, on arrive en réalité à une mesure de suspension des droits qui est très éloignée d’un système vraiment incitatif à la reprise d’emploi.  

  • Calculer le taux de remplacement sur le salaire net et non plus sur le brut. Les demandeurs d’emplois indemnisés par l’Assurance chômage toucheront en moyenne 57,4% de leur salaire net et non plus brut.
  • Augmenter de 4 à 8 mois, la période de travail permettant l’ouverture des droits tout en réduisant la durée d'indemnisation au titre du chômage pour les moins de 50 ans, en la faisant converger vers le modèle allemand soit 12 mois pour les moins de 50 ans.