Actualité

Aimons le luxe à la française, notre savoir-faire, réconcilions-nous avec la richesse, finissons-en avec la lutte des classes

Présidente du mouvement Ethic (Entreprises de taille humaine indépendantes et de croissance), Sophie de Menthon a créé sa première entreprise à 21 ans. Elle intervient sur RMC dans l'émission « Les grandes gueules ». Auteur de nombreux ouvrages, elle est aussi à l'initiative de la « Fête des Entreprises » en France.

Agnès Verdier-Molinié : Quelle est, selon vous, la principale qualité de l'Administration française ?

Sophie de Menthon : Celle des hommes et des femmes qui la servent, car il n'y a en fait pas d'« administration » à proprement parler. L'Administration, ce sont en réalité des hommes et des femmes comme les autres qui la composent. Ces hommes et ces femmes, il faut les manager comme les autres. Le problème est que, dans l'Administration française, le management n'a rien à voir avec celui des entreprises.

AVM : Quel est, selon vous, le principal défaut de l'Administration française ?

SdM : L'hyper-concentration verticale des pouvoirs, doublée d'une fragmentation horizontale : personne n'est responsable. Comment voulez-vous que quelqu'un soit motivé dans ces conditions-là ? Les concours de l'Administration en eux-mêmes sont hallucinants. On pose comme question pour le concours de postier de savoir qui a écrit La Princesse de Clèves ! Ces concours sont difficiles, on prend les meilleurs, on « sous-utilise » donc leurs qualités et ils deviennent mauvais. À l'étranger, ces concours d'entrée n'existent pas, le système français du recrutement de la fonction publique est particulièrement contre-productif.

AVM : Quelle serait, selon vous, la grande réforme à mener en France ?

SdM : La première grande réforme serait de mettre en place un management moderne (dans l'Administration, on est resté à l'époque du taylorisme…) par la confiance et la responsabilité avec, en second plan, la réduction indispensable des effectifs publics. Quand on met en place un management responsable, on décuple les talents. Nos déficits publics sont aussi liés à la mauvaise gestion des ressources humaines dans la fonction publique.

AVM : Quelles administrations pourraient être, selon vous, supprimées en France ?

SdM : On commence à voir des administrations fusionner : ANPE/ Unedic et DGI/DGCP. Cela va dans le bon sens. La suppression des doublons à tous les échelons est indispensable. Il conviendrait aussi, à mon sens, de supprimer les départements. Les régions devraient pouvoir reprendre responsabilités et financements des départements.

AVM : Quels sont les atouts de la France dans la mondialisation ?

SdM : Il est compliqué de répondre à cette question, car nos atouts sont aussi souvent nos défauts ! Encore une fois, la qualité des hommes et des femmes est un atout non négligeable, nous sommes notamment un peuple cultivé. Notre éducation était reconnue comme bonne mais sa qualité est en train de baisser. Adapter notre système éducatif à la mondialisation fait partie des réformes à faire. Nous avons aussi l'atout d'un patrimoine culturel et historique qui va avec un tourisme important mais nos hôtels, par exemple, ont un classement inadapté aux standards internationaux. Ce n'est pas un bon point pour la France. Dans la mondialisation, on ne peut pas « saucissonner » les choses. Tous les éléments doivent être pris en compte. Le luxe à la française est aussi un atout mais difficile à conserver dans un pays qui n'aime pas les riches. Comment faire rayonner notre luxe si personne ne peut ou n'ose acheter du luxe en France ? Par ailleurs, nous avons un artisanat formidable. À Ethic, nous proposons de créer une université des métiers de la main. N'est-il pas préférable d'avoir de talentueux ébénistes que des nuls en 2e année de socio ? Aimons le luxe à la française, notre savoir-faire, réconcilions-nous avec la richesse, finissons-en avec la lutte des classes. Tout cela commence à venir, mais c'est encore trop lent par rapport aux changements qui s'opèrent dans le monde.

AVM : Quelle devise pourrait redonner confiance aux jeunes entrepreneurs de notre pays ?

SdM : « J'aime ma boîte ! ». Nous avons créé autour de cette devise la « Fête des Entreprises » qui se tient tous les ans, depuis six ans. Dans le même esprit, j'ai écrit un livre intitulé La Vraie Vérité sur l'entreprise aux Éditions Eyrolles et je sors en octobre 2008 un livre illustré L'Entreprise racontée aux enfants. Il y a encore beaucoup à faire pour réconcilier les Français de toutes les générations avec l'entreprise.