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Accident sportifs et assurance-maladie

économiser 1 milliard d'euros en responsabilisant les individus

Il a fallu 6 ans de procédures à Claude Frémont, directeur de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Nantes, pour récupérer auprès de l'assurance de l'Olympique de Marseille les 30 000 euros de soins prodigués à un footballeur agressé par un autre joueur au cours d'un match. Cette décision est restée isolée, mais Claude Frémont a au moins posé la question : qu'est-ce que l'assurance-maladie doit prendre en charge ? Les maladies, oui ; les accidents de ski nautique ou de parapente, peut-être… ou pas.

En 2008, la question mérite d'être posée, puisque la réforme de l'assurance-maladie de 2004 n'a pas tenu sa promesse de retour à l'équilibre en 2007. Économiser 1 milliard d'euros sur des remboursements injustifiés ne remplacera pas une réforme de structure, mais serait juste, et pas négligeable.

Accidents de la vie courante et accidents sportifs

En France, d'après l'Institut de veille sanitaire, 11 millions d'accidents de la vie courante (AcVC) [1] se produisent chaque année. Environ 20 % (2,2 millions) sont blessés au cours d'une activité sportive : 900 000 personnes ont recours aux urgences et 63 000 doivent être hospitalisées. La durée moyenne d'hospitalisation suite à un accident de sport est de 3,5 jours. Une journée d'hospitalisation coûtant 1 000 euros en moyenne, ce seul poste de dépense se monte à 220 millions d'euros. S'y ajoutent le coût des soins hors hôpital et celui des arrêts maladie. Une étude précise a été faite sur les salariés d'EDF/GDF (journal de la traumatologie du sport, 2000) indiquant que 1,1 % du personnel est victime chaque année d'un accident sportif conduisant en moyenne à 30 jours d'arrêt maladie. Le rapport 2006 de la Suva, principale assurance-accidents obligatoire de Suisse, fournit des données similaires pour ce pays. Sur ces bases de calcul, on peut estimer que ces accidents donnent lieu, en France, à environ 8 millions de jours d'arrêts maladie, soit un coût estimé à 1,3 milliard d'euros.

Mais, si les statistiques de l'IVS (Institut de veille sanitaire) séparent bien les accidents de sport des accidents de loisir (2,5 fois plus fréquents), elles ne précisent pas quelle est la part des accidents sportifs survenus dans le cadre d'une fédération, d'un club ou d'une pratique à risques significatifs, les seuls pris en considération ici. Interrogé en 2004 par le député Yves Nicollin, le ministre de la Santé avait admis que ces accidents « véritablement » sportifs coûtaient 900 millions d'euros par an. La loi de financement de la Sécurité sociale de 2004, avait d'ailleurs demandé que les caisses d'assurance-maladie fassent participer les assureurs à ces dépenses, mais « le décret était en cours d'élaboration ». Dans la suite de sa réponse, le ministre exprimait en réalité son opposition à cette mesure qu'il réservait aux cas de « faute » caractérisée de la personne ou d'un tiers : « Cela risque de donner lieu à des contestations et des débats juridiques », « les sommes récupérées seraient modiques », « cette mesure pourrait être vue comme une entrave à la pratique sportive ».

Il est exact que la nuance entre maladie, accident « courant » et accident survenant dans le cadre d'activités plus ou moins risquées est délicate. Le montant de 900 millions semble pourtant sous-estimé au regard des données d'hospitalisation, de soins et d'arrêts maladie ci-dessus, mais correspond au moins à ce qu'il serait possible de récupérer facilement et rapidement. Actuellement, dans la quasi-totalité des cas, ce sont la Cnam et les complémentaires santé qui prennent tout en charge. Pourquoi les CPAM préfèrent-elles payer alors que tous les clubs sportifs sont assurés et exigent que leurs adhérents souscrivent une assurance (la plupart des personnes ont en effet une assurance responsabilité civile et accidents de la vie) ? Parce que, sous l'influence des syndicats qui les dirigent, les CPAM baignent dans une ambiance de « à chacun selon ses besoins ». Et aussi parce qu'il est plus simple de payer que d'enquêter et chercher à récupérer ces dépenses.

Note : le déficit de 7,1 Mds € indiqué sur ce graphique correspond au montant cité par le gouvernement en octobre 2007 au début de la discussion du budget 2008 de l'Assurance Maladie. Les mesures prises par le gouvernement et l'évolution des rentrées de cotisations ont ramené ce montant à 4,1 Mds € au mois de juin 2008.

Transfert de charges ou responsabilisation

Il est souvent objecté que le refus de prise en charge des accidents de sport par les CPAM se traduirait par un transfert de charges de l'assurance-maladie obligatoire vers les assurances privées, sans aucune économie. C'est en partie vrai. Mais ce transfert serait un facteur de justice entre individus. Et au niveau global, la prise de conscience des risques se traduirait par la responsabilisation des pratiquants et de leur encadrement… et donc par des économies.

La situation était exactement la même pour les arrêts maladie : en 10 ans, ils avaient augmenté d'un tiers sans que les CPAM s'en inquiètent. En 2005, une campagne de presse et le rétablissement des contrôles, exigés par le Gouvernement, ont inversé la tendance. Autre exemple, l'indemnisation des accidents du travail financée par des cotisations employeurs bien identifiées : en 20 ans, le nombre d'accidents du travail a baissé d'un tiers et le nombre de morts de moitié.

Collectivisation ou responsabilité personnelle, un débat similaire a déjà agité l'opinion publique au sujet du financement des secours en montagne. Une loi a finalement autorisé les maires à exiger une participation financière des personnes secourues, incitant à la création de la carte neige. Pourquoi pas une mesure similaire pour les accidents de sport ? La première étape consiste à ajouter une ligne sur les feuilles d'assurance- maladie : accident de sport et nom du club.

En 2004, le Premier ministre Jean- Pierre Raffarin avait déjà posé la question et donné sa réponse personnelle : « Faut-il couvrir dans les mêmes conditions une fracture du bras causée par une chute dans la rue et de ski ? » Et si on passait aux actes en 2008 ?

[1] Les AcVC ne prennent pas en compte les accidents de la circulation et les accidents du travail.