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Valorisation de la recherche : l'Inria ou le « modèle français »

Comme l'ANPE, l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) traverse cette année la crise de la quarantaine. Bien que ses résultats soient supérieurs à ceux des autres EPST (établissement public à caractère scientifique et technologique) français, l'Inria pèse pour moins de 0,1 % du secteur des TIC (technologies de l'information et de la communication), sa raison d'être.

Organisme de recherche dédié aux sciences et technologies de l'information et de la communication, l'Inria est un établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST) placé sous la double tutelle des ministères chargés de la Recherche et de l'Industrie. Créée en 1967, au moment du lancement du plan calcul, cette structure a beaucoup évolué depuis. En 2004, l'Inria fêtait ses 20 ans de création d'entreprises et, à l'occasion de ses 40 ans, elle communique toujours sur ce vecteur porteur de valeurs positives.

Un faible recours aux financements du privé

Son budget s'élève à 175 millions d'euros en 2007. Officiellement, il comporte 20 % de ressources propres.

Mais la part des financements privés dans les ressources propres reste minime. En effet, une très grande partie de ces ressources provient de la Communauté européenne, de l'Agence nationale pour la recherche (ANR) et des entreprises.

Depuis ses origines, l'Institut s'est toujours plaint de manquer de moyens. Force est de constater que les ressources privées n'ont pas beaucoup augmenté ces dernières années. Alors que l'Institut a vu sa dotation financière par l'État (+ 43,2 % sur 1999-2003) et ses effectifs (1 300 personnes embauchées ces deux dernières années) fortement augmenter, la part des revenus issus du privé ne semble pas suivre la même pente.

Dans son plan stratégique 2003-2007, l'Inria plaçait la valorisation de la recherche au coeur de sa stratégie. Il y est ainsi précisé que l'« institut doit conforter ses partenariats forts avec des grandes entreprises leaders sur leur marché, françaises ou étrangères, et en construire de nouveaux » et inscrire ces partenariats dans le « moyen ou long terme ». L'établissement annonce aujourd'hui 730 contrats de recherche actifs. Ces contrats de recherche ne rapportaient pourtant, en 2004, qu'un peu moins de 4 millions d'euros, soit 2 % à peine des ressources de l'organisme.

Pire, les revenus issus de ces contrats étaient en diminution ces dernières années par rapport à 1998.

Peu de revenus issus des brevets

Bon an, mal an, les chercheurs de l'Inria déposent 3 ou 4 brevets en moyenne, jusqu'à 10 les meilleures années. La valorisation de la recherche qui provient des redevances de propriété – de l'ordre d'un million d'euros par an – est loin d'atteindre les résultats des institutions étrangères comme Cambridge Enterprise (couvrant plus de domaines de recherche, dont les biotechnologies) ou l'université américaine de Carnegie Mellon (spécialisée dans les mêmes domaines que l'Inria).

Valorisation de la recherche par les brevets
Institution Nombre de brevets déposés Revenus des brevets
Inria** 4 0,8 M€
Cambridge* 58 4,18 M$ (environ 3 M€)
Carnegie Mellon** 33 3,33 M£ (environ 4 M€)
Source : Inria, Cambridge enterprise, Carnegie Mellon.

* Données 2006. ** Données 2005.

Par ailleurs, environ 80 logiciels de l'Inria ont été déposés à l'Agence pour la protection des programmes en 2005, une association défendant les intérêts des auteurs de logiciels.

Enfin, le nombre de brevets est à comparer aux 600 brevets déposés chaque année dans le secteur des TIC (technologies de l'information et de la communication).

La création d'entreprises, raison d'être de l'Inria ?

L'Institut possède depuis 1998 une filiale, Inria transfert, chargée de valoriser la recherche de l'Institut.

Elle est à l'origine de cinq fonds d'amorçage d'une valeur de 150 millions d'euros (dont 16 millions apportés par la filiale). Depuis la création de l'Inria, 84 sociétés de technologie ont été créées à partir de technologies de l'Inria ou par leurs chercheurs, qui continuent à créer en moyenne 4 à 5 entreprises par an. Les 47 entreprises encore en vie génèrent 145 millions d'euros de chiffre d'affaires et emploient environ 1 500 personnes.

Les deux plus grosses entreprises issues des laboratoires de l'Institut concentrent à elles seules les deux tiers des emplois créés, ce qui laisse en moyenne 10 emplois par entreprise pour les 45 restantes.

Selon le rapport de valorisation de la recherche, 46 % des start-up de l'Inria dépassent néanmoins le million d'euros de chiffre d'affaires et 20 emplois créés au bout de douze ans, plaçant l'Institut dans les meilleurs éléments français, et faisant bien mieux que le concours « vitrine » du ministère de la Recherche.

Elles restent néanmoins légèrement en dessous des plus prestigieuses universités américaines (17 créations d'entreprises par le MIT en 1999 par exemple). Enfin, le nombre d'entreprises créées par l'Inria fait pâle figure comparé aux créations d'entreprises dans le même secteur pour toute la France. En effet, le secteur reste dynamique, puisqu'il représente 80 % des 12 000 créations annuelles d'entreprises de technologies innovantes.

Les chercheurs de l'Inria, dans le paysage français, obtiennent des résultats bien meilleurs que leurs homologues du CNRS et des autres ESTP. Malheureusement, les ressources privées sont une goutte d'eau dans le budget de l'Institut. La création d'entreprises issues de la recherche publique ne représente également qu'une part minime des créations d'entreprises dans ce secteur en France. Il conviendrait de ne pas oublier que la majorité des emplois se crée ailleurs et que faciliter l'émergence de Business Angels permettra enfin de faire décoller la machine à emplois française.